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• Livres en bref : Citizen Sidel, Charyn en état de grâce

Publié le par brouillons-de-culture.fr

 

Jerome-Charyn.jpg

Peuplée de personnages haut en couleur, à commencer par son héros lui-même, drôle, intelligente, insolente, la saga Isaac Sidel ne se raconte pas. Elle se savoure à chaque page. Quelque part entre les films de Pagnol et les livres de Rabelais.

 

Loin de s'essoufler, Jérome Charyn se renouvelle avec "Citizen Sidel". Potentiel vice-président des Etats-Unis, Sidel n'a pourtant rien perdu de ses manières de voyou. Poursuit toujours son éternel amour. S'entiche d'une petite fille fantasque et d'un Michel-Ange du graph. Protège coûte que coûte sa famille de cœur, sa tribu quitte à contourner la loi…

 

Savoureusement indispensable !

 

 
Pascal Perrot

Publié dans brèves de culture

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• Ciné en bref : another year, une autre fois…

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Another-Year-001 "Another Year" contient, il est vrai de purs moments de cinéma. Est joué, je n'en disconviens pas, par des acteurs stupéfiants. Il est, certes, tout à l'honneur de Mike Leigh de porter le regard sur des générations -la précinquantaine et la pré ou post soixantaine- souvent maltraitées ou ignorées par le cinéma.

 

Mais notre intérêt se dilue au fur et à mesure que progresse l'histoire : Mike Leigh est de ces cinéastes dont on ne parvient jamais à oublier la mise en scène. Aussi dérangeant qu'un marionnettiste qui, par son omniprésence, crée une constante distance entre ses personnages et nous.

 

Dommage… En l'état "Another Year" n'est qu'un bon film, à mille lieues du chef-d'œuvre qu'il eût pu être.

 

Pascal Perrot

 

Publié dans brèves de culture

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• Octopus de Decouflé

Publié le par brouillons-de-culture.fr

 

Octopus de Decouflé. Magistral spectacle où beauté, inventivité et exigence s'accordent avec plaisir, ludisme, jubilation. Magistral et accessible. Du spectacle bien vivant ! Viscéral... Octopus aux multiples facettes. Tentaculaires, audacieux.

 

Decouflé a préféré créer son spectacle "comme on fait des disques rock, avec plusieurs morceaux, plutôt qu'une sorte d'opéra d'un seul tenant". Des formats courts, jalousieShiva pashélas tiqueboîte noiresquelettesl'argothique, talons aiguilles, boléro...  où alternent, duo, solo,trio, quatuor... "octo" avec ses 8 danseurs tout en grâce, en sensualité, en énergie. Octopus, un explosif mélange de genres chorégraphiques, qui trouve son apothéose dans le Boléro dédicacé à Maurice Béjart.

 

Octopus, c'est aussi un foisonnement de formes, de genres artistiques... Danse, musique et vidéo s'entrelacent sans octopus-decoufle.jpgjamais se court-circuiter. La chorégraphie est portée par les notes inspirées de Labyala Nosfell et Pierre Le Bourgeois, créations originales interprétées en direct par ces 2 musiciens. La vidéo fonctionne comme un neuvième danseur, ou un musicien surgi d'un autre univers. Un spectacle ponctué d'extraits poétiques, comme "Hermétiquement ouvert" de Gherasim Luca, interprété avec superbe par l'une des danseuses.

 

Decouflé réussit le pari des paradoxes. Tant dans la matière dont il tisse ses mini-chorégraphies, que dans le déploiement de son art. Ruptures sans cassure. Emotion et joie charnelle. Une maîtrise tout en souplesse.

 

Au théâtre de Chaillot jusqu'au 4 février 2011. Pour en savoir plus sur la distribution, les informations pratiques... se rendre ici !

 

 

Gracia Bejjani-Perrot

 

Publié dans spectacle... vivant !

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• Bénier-Bürckel, l'infréquentable

Publié le par brouillons-de-culture.fr

 

Certaines œuvres ne sauraient être partagées avec tous. Sombres, fortes et cruelles. Choquantes, dérangeantes. Si eric-beniel-burckel-copie-1.jpgtordues, si exigeantes qu'elles peuvent vous lier d'une amitié indissoluble à quelqu'un qui la vénère. Ou être à l'origine d'un clash relationnel . Dangereuses en quelque sorte. On ne les manie qu'avec précaution, comme des bâtons de dynamite. Les recommander vous dévoile, vous démasque imparablement.

 

Telle est la nature des livres de Éric Bénier-Bürckel. Une sève volcanique en fusion, d'une noirceur éblouissante qui remue les entrailles et bouscule les neurones. Le romancier explore les ténèbres du siècle, en extirpe les redoutables poisons. Plus proche d'un Baudelaire, d'un Lautréamont, d'un Marcel Moreau, d'un Chuck Palahniuk ou d'un Ryû Murakami que d'un énième clone houellebecquien ou d'un sosie de Jonathan Littell. S'il est pour moi le frère jumeau de ces voyageurs âpres des zones infréquentables, ce n'est point tant par l'écriture que par la texture de ses univers. 

 

Éric Bénier-Bürckel donne une vigueur nouvelle à un genre où peu osent s'aventurer. Un genre qu'on pourrait appeler, faute de mieux, le thriller sémantique. Où le suspense, haletant, provient de la vie, organique et tumultueuse, des mots eux-mêmes.

 

© Picasso, Guernica

PICASSO-GUERNICA.jpgComment et d'où, après telle envolée de romantisme noir, dont la déflagration nous laissa essoufflés, le livre pourra-t-il rebondir ? À quelle vertigineuse envolée de mots drus, visant leur cible sans faillir, devons-nous nous préparer ? Qu'on ne s'y trompe cependant pas : si elle stimule notre intellect, la prose d'Éric Bénier-Bürckel est avant tout viscérale.

Tripale. D'un uppercut rageur, elle nous frappe au plexus avec punch et panache. Et nous tient pourtant en haleine, nous empoignant sans relâche, ne lâchant jamais sa prise. On en sort broyé, lessivé mais paradoxalement heureux.

 

Le premier livre qui tomba entre mes mains fut "Un peu d'abîme sur vos lèvres". Écrit en réaction au tollé suscité par le précédent Un-peu-d-abime.gifroman de l'auteur. Pour avoir écrit un ouvrage abominable, le héros, jamais nommé, est traqué, vilipendé, haï. Lui-même affirme avec force être responsable de toutes les horreurs du XXème siècle - et au-delà même. Pamphlet corrosif ? Essai survolté sur la littérature du mal ? Poème incantatoire au verbe tonitruant ? Roman décalé qui ne ressemble à nul autre ? "Un peu d'abîme sur vos lèvres" zigzague allègrement entre les frontières des genres.

 

Sur un thème pour le moins minimaliste, l'auteur brode à foison des variations d'une estomaquante richesse. Par la seule force de sa plume, il nous maintient en haleine, crée au détour de chaque page le choc, la surprise. Exhibe les trophées décadents de nos pauvres alibis pour nous justifier de vivre. Je fus happé par ces premiers mots :

"C'est l'esprit libre qu'on blâme en moi, le briseur d'idoles, la méchanceté sans tabou, le vaurien, que dis-je, la canaille sans foi ni loi à qui la douleur ne fait pas froid au verbe"

 

Et porté par une rage salubre, qui n'épargne rien de nos faiblesses, jusqu'à l'ultime phrase, en forme d'issue :

"Je suis arrivé dans la paix du monde, là où la beauté, immense comme le ciel, se serre avec amour contre le cœur de la Lumière."

 

Bénier-Bürckel ne recule pas face à la provocation :

"Vous espériez peut-être une histoire, un roman, de la saga des familles bien distrayantes, vous serez déçus, pas d'histoire, pas de roman, mais un intermède de puanteurs et de trous, un entracte de pompes funèbres, allongez-vous, c'est tout pour vous, cercueils et tombes, je vous enterre vivants."

 

Mais son ironie cruelle pourtant n'est jamais gratuite :

"Si je vous écorche avec ma langue râpeuse et brûlante, c'est pour rappeler à la vie le malheureux Lazare qui se putréfie dans les vagues mourantes et les élans brisés de vos entrailles ! Qu'il se lève et marche ce dépossédé, et qu'il prenne part au monde, dans tout ce qui se fait sous le soleil ! Dieu n'est pas dieu de morts, mais dieu de vivants !"

 

 

Une telle fièvre d'écriture ne pouvait que m'inciter à aller voir de plus près le sulfureux "Pogrom".

 

Lui est professeur et aspirant écrivain. Criblé de dettes comme il se doit. Elle est d'une aisance tapageuse et écume les benier-burckel pogromboutiques de luxe où elle dépense sans compter. Il est plutôt beau gosse. Elle tombe sous son charme. Lui ne songe qu'à une chose : installer chez elle ses pénates. Pour enfin tourner le dos aux jours maigres et, jouissant de son opulence à elle, pouvoir écrire en toute tranquillité. L'homme est rarement appelé d'un autre nom que "l'inqualifiable". Elle n'est désignée que par celui de "l'hôtesse". Ils vont mutuellement s'autodétruire. L'hôtesse passe son temps à dénigrer ses projets d'écriture, ne livre son argent qu'au compte-gouttes, accompagnant souvent ce don de quelque propos méprisants. Lui n'aspire qu'à sortir de cet enfer, la trompe, résiste, l'injurie à son tour. La blesse. Se réconcilie. Prétend la haïr, la vomir.

 

À priori, "Pogrom" avait presque tout pour me faire fuir : une thématique très proche des plus minimalistes des partisans de l'autofiction ; des personnes sans nom, comme dans le pire du Nouveau Roman.


© Francis Bacon, Head

francis-bacon-head-1953.jpg

Mais le thème du livre n'est pas son vrai sujet. "Pogrom" parle avant toutes choses de la confrontation de l'homme à ses ténèbres. De la nécessité d'un tel voyage au cœur de nos abîmes intérieurs pour en jaillir transformé. Ou ne pas en resurgir. L'ensemble tournant autour d'une écriture de haut vol, nerveuse et riche en métaphores. Éruptive et cabossée. Excessive et secouante.

 

Le projet littéraire du "héros" en dit long : un texte qui soit à la littérature ce que le hard rock est à la musique. Une plongée en apnée dans le plus obscur de l'homme, une exaltation des pulsions les plus malsaines. Une destruction systématique des valeurs du monde ancien, qui suscite la haine, le dégoût. Qui brusque, secoue, interpelle. Qui soit un appel à l'éveil.

 

 © Oskar Kokoschka, Die Windbraut

Kokoschka-WindBraut.jpgQui est victime ? Qui est bourreau ? Qui exploite réellement l'autre ? La ligne de partage n'est jamais simple entre ces deux êtres survoltés, engoncés dans un amour/haine impitoyable où tous les coups semblent permis. L'écrivain mérite peut-être vraiment son titre d'inqualifiable et l'hôtesse est sans doute davantage que cela. Toute histoire comporte sa part d'inconnu et d'inquantifiable. 

Le livre à venir n'est pas davantage "décrit" que les "scènes de ménage" du couple. Dans les deux cas, le lecteur est directement projeté au cœur du vortex.

 

"Pogrom" n'est pas un livre confortable. Ni même poli, gentil policé. Parce que l'un des personnages du livre, d'origine maghrébine, se livre à une longue diatribe contre les Juifs ; parce qu'une scène du livre, insoutenable, lorgne du côté du "Château de Cène" de Bernard Noël, il fut accusé de tous les maux. Le Monde le taxe de racisme et d'antisémitisme. Le Nouvel Obs va plus loin encore en affirmant que l'auteur ne peut être que fasciste et raciste. Raffarin s'empare de l'affaire, qui ira jusqu'au procès, aboutissant à une relaxe. Soulignons quand même que si l'anti-héros du livre se répand parfois en propos douteux, les scènes incriminées par la Justice ne représentent, mises bout à bout, que cinq pages et cinq lignes (sur les 240 du livre !).

 

 

Auparavant, Bénier-Bürckel avait publié deux livres "Un prof bien sous tous rapports" et "Maniac". Après  Pogrom, "Un peu d'abîme sur vos lèvres" et "Le messager".

 

Il nous rappelle que la vraie littérature ne se fait pas nécessairement avec de bons sentiments, ni avec des matériaux de récupération. Et que l'écriture n'est pas affaire de morale mais d'exigence.

 

 

Pascal Perrot, textes

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

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• À bout portant : le film que l'on n'attendait plus…

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Entrer dans la salle en traînant le pas. En sortir essoré, radieux, enthousiaste. Une telle aventure, infiniment rare, m'advint aboutportant2.jpgen allant voir "À bout portant".

 

Improbable qu'un film français vous fasse monter l'adrénaline autant que quatre épisodes de la série 24 heures. Qu'il se permette d'y mêler, sans la moindre rupture de rythme, quelques éléments clés du néo-polar hexagonal et de la série noire. Flics corrompus, guerre des services, industriels véreux.

 

Que le tout soit filmé avec intelligence, sans vains effets de caméras, mais sans jamais nous donner le sentiment de régresser. '"À bout portant" est l'œuvre d'un cinéaste quasiment inconnu du grand public. Il met en vedette un acteur qui ne l'est pas moins, étoffé par des seconds rôles stupéfiants. Situations et personnages sont plus crédibles que dans la majorité des thrillers américains récents.

 

"À bout portant" est le thriller que personne n'espérait plus. D'une efficacité redoutable, qui n'a rien à envier aux fils de l'Oncle Sam, et conservant cependant une identité spécifiquement hexagonale. Émouvant, secouant, filant à cent à l'heure, sans temps morts ni concessions.

 

a-bout-portant.jpgTout commence par une course poursuite hallucinante, qui vous cloue sur votre fauteuil. Sur le point de s'échapper,  l'homme poursuivi est renversé par une moto sous un tunnel. Simple hasard. D'emblée, le ton est donné. Un tempo dopé aux amphétamines. Des héros à visage humain, faillibles, ne gérant pas toujours les impondérables. Pas de surhommes ayant tout pensé, prévu, à l'abri de toute faute d'inattention.

Qui est cet homme ? Qui sont ses poursuivants ?

 

La scène suivante voit apparaître l'anti-héros du thriller et permet de souffler un peu. Nous n'en aurons pas beaucoup l'occasion. Samuel et son épouse Nadia, d'origine espagnole, dont il est a-bout-portant-copie-1.jpgamoureux fou. Ils sont chez le gynécologue. Nadia, enceinte jusqu'aux yeux, attend une fille. Lui se montre aux petits soins pour elle.

Samuel est interne et en passe de devenir infirmier. Le grain de sable de ce bonheur sans faille, ce sera le fugitif du premier acte. À peine est-il hospitalisé qu'on tente de l'assassiner. Et c'est Samuel qui le sauvera in extremis. Bref répit car sa femme est kidnappée (une scène prodigieuse d'efficacité). Le deal est simple et terrifiant : il a trois heures pour sortir l'homme blessé de l'hôpital. Au-delà de ce délai, son épouse sera tuée. Mais rien ne se passera vraiment comme prévu.

 

a-bout-portant-de-fred-cavaye-10329640gpfmf.jpgSur ces entrefaits, des personnages cruciaux  font leur apparition : deux flics, un homme et une femme. Ils semblent mutuellement se détester. C'est au premier qu'on confie toutes les affaires importantes. On apprend également qui est l'homme mystère. Hugo Sartet, pro du braquage et du cambriolage, fiché dans le grand banditisme.

Des dialogues tracés au cordeau, des expositions claires et concises. L'action peut reprendre son cours. Elle ne nous lâchera plus jusqu'à la fin.

 

 

a-bout-portant-a.jpg

Fred Cavayé multiplie les détails qui font mouche et rendent crédible son personnage principal ; non, Samuel ne sait pas tenir en respect quelqu'un avec un revolver. Et il se reçoit des coups plus qu'à son tour. S'il parvient, en désespoir de cause, à sauter d'un balcon à l'autre, il ne se reçoit pas nécessairement très bien. Après une course-poursuite effrénée, il est totalement essoufflé.

 

boutportant7.jpgUn citoyen lambda confronté à de vrais durs, et qui s'en sort mieux que prévu : on est ici chez Manchette ou chez Daniel Westlake. Dans une série noire haletante, jumelée à un implacable thriller. Fred Cavayé ose beaucoup. L'usage de l'humour noir par exemple. Ou le politiquement incorrect. De Samuel se moquant gentiment de l'accent de son épouse à l'exposition d'une violence sans frontières de sexe, à travers une scène scotchante entre une jeune fliquette ripou et Nadia.

 

a-bout-portant-b.jpgabout-portant.jpgIl multiplie à l'envi les scènes jamais vues.

D'une poursuite speedante dans le métro à sa vision cauchemardesque d'un commissariat, si chaotique, si labyrinthique, si peuplé de flics préoccupés qu'un suspect recherché peut s'y faufiler sans être vu.

 

Il se permet parfois l'ambivalence. Le fugitif est loin d'être un enfant de chœur, mais il est innocent du crime dont on l'accuse, et passerait presque pour un saint en regard de ceux qui le poursuivent. Et s'il finit par s'établir entre Hugo Sartet et Samuel une trouble complicité dans la fuite,  jamais celle-ci soit soulignée au crayon gras.

 

Gilles Lellouche incarne avec frénésie et intensité cet homme prêt à tout pour sauver sa femme. Confiné jusqu'ici aux seconds rôles (comme le furent longtemps Bacri ou Darroussin), il crève  littéralement l'écran dans ce film.

a-bout-portant_gerard-lanvin.jpgOn donne rarement l'occasion à Gérard Lanvin de jouer de vrais méchants. Fred Cavayé pallie ce regrettable oubli.

Gérard Lanvin est magistral dans "À bout portant". Aussi flippant qu'autrefois Donnadieu dans "Rue Barbare" ou il y a peu Javier Bardem dans "No country for old men".

 

Elena Anaya forme avec Gilles Lellouche un couple parfaitement crédible. L'actrice donne à son personnage une remarquable densité. Roschdy Zem nous convainc d'un bout à l'autre en truand victime d'une réputation qu'il s'acharne à entretenir.

 

Il y a certes parfois des défauts de couture : un coup de fil peu crédible à un moment clé ; une Mireille Perrier qui, en dépit de ses qualités d'actrice s'avère peu vraisemblable en flic intègre ; fred-cavaye-et-gilles-lellouche.jpgGilles Lellouche qui en fait trop quand il clame son innocence. Pécadilles que l'on pardonnera aisément à ce film riche en scènes ébouriffantes.

 

Le cinéaste n'avait jusqu'à présent à son actif que "Pour elle", qui ne rencontra qu'un succès d'estime mais fut remaké par les USA.

 

Avec "À bout portant" il entre dans la légende des polars francophones, avec l'audace et le sens de l'image qui caractérisent les plus grands.

 

 

 

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

 

Publié dans sur grand écran

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• Van Hamme, Gaston Leroux du neuvième art. 1) d'Epoxy à Thorgal

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Il est rare, en bande dessinée, que le nom du scénariste prévale sur celui du dessinateur. SI l'on excepte l'immense Goscinny, l'image en BD, à l'instar du cinéma, semble prévaloir sur le texte. 

 

AVT2 Jean-Van-Hamme 6503Astérix, Lucky Luke ou Iznogoud. Thorgal, XIII ou Largo Winch. Entre leurs créateurs, Goscinny et Van Hamme, de nombreux points communs.

 

Une exceptionnelle frénésie d'écriture, qui les vit élaborer un nombre impressionnant d'albums ; des tirages qui se chiffrent en millions d'exemplaires ; la création de nombre de personnages emblématiques et référentiels, pratiquement entrés dans le patrimoine culturel.

 

Difficile d'être exhaustif face à Van Hamme, cet auteur exceptionnellement prolifique, et souvent pour le meilleur. Aussi ce premier article abordera-t-il principalement ses séries culte, nouvelles mythologies pour un monde en perte de légendes. Tout en survolant l'ensemble de sa carrière dans le neuvième art.

 

Avant de créer les séries qui l'ont rendu incontournable, Van Hamme fut romancier (si "Largo Winch" n'a pas eu en version livre que ce qu'on peut appeller un succès d'estime, il est devenu en BD le phénomène que l'on sait), scénariste pour la télé et pour le cinéma (le scénario de "Diva", c'est lui).

 


 

bande-dessinee-epoxySa carrière bédéiste commence avec un véritable coup de maître. En 68, à l'heure où la BD n'hésite plus à convoquer l'érotisme et la politique à la table du festin, il signe avec le dessinateur Paul Cuvelier, le cultissime "Epoxy". Femmes dénudées évoluant dans un contexte mythologique, à la lisière de ce qui allait devenir l'heroic fantasy : un cocktail détonant qui tranche radicalement avec la BD traditionnelle et lui assure le succès. Il fournira par la suite quelques gags pour Modeste et Pompon ainsi que Gaston Lagaffe ; signera deux épisodes de la série Magellan ; connaîtra alternativement la réussite avec "Histoire sans héros", dessiné par Dany, et l'échec en reprenant la série "Domino".

 

RosinskiArcher1C'est en 1976 que s'opère la première rencontre décisive. Celle d'un jeune dessinateur polonais, ne parlant pas un mot de français, mais incroyablement doué. Van Hamme dira de lui à posteriori, après qu'il lui eût fait passer une sorte de "test" : "Ce qu'il a fait n'était pas très réussi techniquement mais il y avait du punch. Je me suis dit qu'en le canalisant, en lui apprenant à mieux cadrer ses personnages, ce type devait sortir de l'ordinaire."


Jugement qui peut sembler quelque peu lapidaire, mais d'une lucidité sans faille, tant le dessin du Rosinski (car c'est de lui qu'il s'agit) du Thorgal frazetta_fantastic-frank.jpginitial est à mille lieues de celui du "Grand Pouvoir du Chninkel" ou du Thorgal des années 80. Le trait de Rosinski s'affine et s'affirme d'album en album. Certaines pages ne sont pas sans évoquer les œuvres de l'immense Frazetta.

 

Née en 77, la saga Thorgal va se poursuivre sur plus d'un quart de siècle, pendant lequel elle ne cessera de grimper vers les plus hautes cimes, conquérant un nombre croissant de lecteurs. Triomphant tout d'abord auprès des adolescents, elle ne tardera pas à séduire également un public adulte.

 

"La magicienne trahie", le tout premier album s'ouvre sur une image forte : le héros, torse nu, trainé au bout d'une chaîne, dans l'océan, tandis que tombe la neige. Son bourreau, Gandalf le fou l'attache sur le rocher des sacrifices, tandis que la marée monte. Gandalf, qui n'est autre que le père de sa bien-aimée Aaricia. Laquelle est attachée à un poteau, contrainte d'observer le martyre de celui qu'elle aime. Gros plans de leurs regards, perdus sur fond de tempête.

 

Trois pages suffisent pour que soient solidement campés
les bd thorgal006protagonistes de l'histoire, le décor, l'époque.


Pour que soient réunis plusieurs éléments essentiels : le drame, l'amour, l'émotion, la violence.

 

Et dès lors le lecteur ne peut abandonner l'album avant que n'apparaisse le mot fin. Thorgal sera sauvé par une magicienne, qui lui demande en échange un an de son existence. Son but : se venger de Gandalf, qui l'a gravement offensée jadis. L'histoire est complétée par un court récit saisissant, dont le thème n'est pas sans évoquer "Horizons perdus" de Franck Capra.

 

Bébé recueilli en pleine mer par les vikings, il découvrira progressivement le bd thorgal027mystère de ses origines. Car avec son peuple d'accueil, il ne possède en commun que courage, ténacité et détermination. Pour le reste, il ne partage pas leur inclination à la violence.

 

Outre les vertus précitées, il est pétri de dignité, de respect pour la vie d'autrui, de sens de l'honneur et prône souvent entraide et solidarité.

 

Il n'hésite pas extérioriser ses sentiments, dans l'amour comme dans la douleur. En cela, il est presque à l'image de l'homme moderne.

 

Parce qu'il n'est pas inscrit dans les registres divins, dieux et demi-dieux viennent Thorgal3.gifsouvent bousculer son destin, plaçant moults obstacles sur sa route. Au fil des épisodes, il aura successivement connu la folie et l'amnésie. Il séduit sans le vouloir, fidèle et loyal même si sa vie en dépend. Cette attirance du sexe faible à son égard peut parfois lui sauver la mise-ce que fera à maintes reprises la Gardienne des Clés-. Ou à l'inverse provoquer de grands drames.

 

Son refus de céder aux avances d'une gamine de quinze ans fera commettre à celle-ci un mensonge d'où découleront bien des massacres.

Au terme d'un long chemin de croix, elle finira toutefois par trouver sa rédemption. Un thème récurrent, majeur, dans pratiquement toute l'œuvre de Van Hamme. C'est également parce qu'il résiste au charme de Kris de Valnor qu'il s'en fera une ennemie. Elle le poursuivra d'une haine tenace pendant un grand nombre d'albums.

 

Thorgal.jpgThorgal ne cherche qu'une chose : vivre en paix avec son épouse et ses enfants, Jolan et Louve loin de la barbarie et de la violence. Mais les dieux ne semblent pas en avoir décidé ainsi…

 

Fuyant toujours plus loin dans une quête sans fin et ne rencontrant qu'épreuves sur épreuves.

 

Van Hamme ne convoque pas seulement la mythologie viking (dont nous n'ignorerons plus rien). Il n'hésite pas à faire appel au fantastique, voire à la SF. Si certaines histoires s'étendent sur deux ou trois thorgal-t-6-la-chute-de-brek-zarith-rosinski-van-hamme-banalbums, d'autres occupent un volume unique, comme le fabuleux "Maître des montagnes". Si certains opus semblent moins inspirés, c'est essentiellement parce que le scénariste a placé la barre très haut.


 

Les plus faibles des "Thorgal" n'ont pourtant rien de honteux et se lisent avec plaisir. Et souvent, ils préludent à une suite de chefs d'œuvre éclatants. Prenons l'exemple du  neuvième album. Si "Les archers" a le mérite d'introduire le personnage de Kris de Valnor, il n'en demeure pas moins quelques tons au dessous de ce que peut produire Van Hamme. Il sera aussitôt suivi de quatre albums phares totalement inoubliables.

 

Après le vingt-neuvième album, Van Hamme a préféré céder sa place à la jeune garde, en la personne d'Yves Sente. Rosinski continue, quant à lui, à assurer une Rosinski.jpgcontinuité. S'il n'a pas le génie créatif de Van Hamme (ou manque encore d'audace pour l'exprimer), Yves Sente s'en sort avec tous les honneurs. Demeurant fidèle à l'esprit de la saga nordique, il en est actuellement à son troisième opus.

En s'affranchissant davantage de la tutelle de son créateur, il n'est pas impossible qu'il la fasse rebondir vers des directions tout à fait inédites et stimulantes…

 

 

la bataille d asgard thorgal 32

Sortie en novembre 2010

du 32° album de Thorgal

La Bataille d'Asgard

 

 

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

 

Publié dans avec ou sans bulles

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• Le chagrin des ogres : jubilatoire théâtre de la cruauté

Publié le par brouillons-de-culture.fr

chagrin-ogres-Fabrice MurgiaLa première pièce d'un comédien belge de 27 ans, qui jouit déjà d'une solide réputation internationale. Une histoire inspirée d'un fait divers récent, qui a défrayé la chronique. Autant de raisons de susciter la curiosité de l'amateur de théâtre. Qui font espérer le meilleur... et redouter le pire.

 

chagrin-ogres-2Pourtant, rien de ce qui précède ne nous prépare à l'électrochoc salutaire du "Chagrin des Ogres". Avec un regard incisif et terriblement personnel, tant dans son écriture que dans sa mise en scène, l'auteur nous entraîne là où nous n'aurions jamais cru pouvoir le suivre. Flirte avec l'univers du conte sans jamais avoir le mauvais goût de basculer dans la pure métaphore.

 

chagrin-ogres-2-54

Un adolescent allemand de 18 ans, Bastian Bosse, tenait régulièrement son journal sur son blog. Il se suicida après avoir tiré sur les élèves et professeurs de son lycée. Que Fabrice Murgia ait puisé son inspiration dans cette tragédie ne doit cependant pas focaliser notre attention. Ce drame est un point de départ, et non le sujet de la pièce.

 

Certes, on peut se réjouir du fait que le théâtre d'aujourd'hui s'intéresse à l'actualité. Mais ce qui importe avant tout, c'est la façon dont cette matière brute est traitée afin de nous donner à voir. À ressentir. À modifier notre perception. A travers elle, un artiste parvient à parler de nous, de notre époque, de nos miroirs falsifiés.

 

 

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Sur scène, un être étrange. Une jeune femme avec une voix de petite fille. Elle porte une robe tachée, entre l'habit d'une jeune mariée délaissée et celui d'une poupée. C'est elle qui ouvre le bal. Elle parle, avant de nous révéler l'existence de deux personnages, un garçon et une fille, chacun derrière une cloison de verre. Leur visage est tour à tour projeté au dessus de leur "cellule".

 

chagrin-ogres-2-28Lui raconte sa rage de ne vivre et de n'être rien, tout en clamant son importance, sa différence, sa supériorité presque. Ou son infériorité totale. Qu'importe, seul semble compter d'être autre, de ne pas ressembler à la masse de ses camarades.

 

chagrin-ogres-2-20

 

Elle est dans le coma. S'imagine au fond d'une cave, prisonnière du grand méchant Wolf. Elle témoigne par le biais d'une télé imaginaire, bricolée avec les moyens du bord.

 

D'une manière ou d'une autre, nous sommes dans leur espace mental, sans aucune échappatoire. Si ce n'est cette "petite fille" étrange, qui pourrait tout aussi bien être un petit démon malicieux, entre Puck et Caliban.

 

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"Le Chagrin des Ogres" est une pièce en trompe-l'œil. Le sujet "central" importe moins que les nombreux sous-textes subversifs. Par glissements progressifs, ils finissent par constituer le cœur même du récit. Le malaise des adolescents, les ravages d'Internet et de la télévision, l'aveuglement parental. Un peu voyeurs, un peu distants, mais portés par le flux d'une écriture précise, nous suivons avec bonheur les tribulations de ces enfants du siècle.

 

chagrin-ogres-22Sans songer un seul instant que sous peu ce sera notre propre âme -ses plus poignantes et douloureuses interrogations- qui sera mise à nu sur scène.

 

À quel moment avons-nous renoncé à ce à quoi nous aspirions ? S'il est, pour grandir, nécessaire de tuer notre enfance, que reste-il de notre adolescence, cette période où l'on croit vraiment pouvoir changer le monde ?

 

La violence exercée sur soi, en nous forçant à abdiquer nos rêves, et celle exercée sur les autres ne sont-elles pas jumelles l'une de l'autre ? Pourquoi la société ne nous propose-t-elle qu'une version pathogène de la réalité ? Qui a été élevée dans la peur du monde extérieur (des étrangers, de la guerre, du chômage, de la bombe …) peut-il transmettre autre chose que de la peur ?

 

 

 

Les angoisses de l'adulte et celles de l'adolescent sont renvoyées dos à dos. Sans jamais juger l'un ou l'autre.

La télévision, Internet ? Seul l'excès de leur usage, leur omniprésence dans nos vies pour combler à tous prix le vide de nos défaites est ici remis en cause. L'absence de vie dans nos vies : voila sans doute un responsable plus probant. Elle transforme les plus fragiles, en martyrs... ou en bourreaux.

 

 

Plus qu'aux tourments de deux adolescents, nous assistons à la naissance d'un processus implacable. Celui qui pousse certains d'entre nous à l'enfermement intérieur.

 

chagrin-ogres-4"Le Chagrin des Ogres" est une pièce jouissive, jubilatoire. Ce n'est pas pour autant une pièce confortable.

 

Portée par de superbes idées de mise en scène (où la lumière devient personnage à part entière), par une langue alternant lyrisme maîtrisé et langage quotidien (ou du moins sa traduction théâtralisée) ce spectacle laisse rarement indifférent.

 

Les comédiens sont tous étonnants de justesse, de sensibilité, d'émotion. Émilie Hermans, David Murgia et Laura Sépul savent tour à tour nous émouvoir, nous faire rire (souvent jaune) et font de cette farce cruelle un moment de pure magie.

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Photos © Cici Olsson

 

lechagrindesogres Texte et mise en scène Fabrice Murgia, assisté de Catherine Hance / Interprétation Emilie Hermans, David Murgia, Laura Sépul / Un spectacle de la compagnie Artara, produit par le Théâtre National (Bruxelles), en collaboration avec Théâtre & Publicsle, du Festival de Liège  


 

chagrin-ogres-affiche.jpgDernières représentations en France !!!

(avant la tournée prévue en Belgique)

 

du 26 novembre au 3 décembre à 19h

dimanche 28 à 17h

 

Centre Wallonie-Bruxelles

46, Rue Quincampoix (niveau-1)

75004 Paris

Tél : 01 53 01 96 96

Tarifs : 10 € (plein) – 8 € (réduit)

 


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• Entre slam et spoken word : une nouvelle musique est née

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Avant de devenir un espace  populaire d'expression libre où chacun peut venir exprimer ses humeurs et ses mots, le slam obéissait, à l'origine, à une rythmique très particulière. Une manière spécifique de scander les textes. Mélange d'un parler-chanter dominant (façon Gainsbourg des dernières années ou Miossec) ponctué de phrasés typiquement raps. Cocktail détonnant, techniquement hardi autant qu'ardu, qui, sans autre instrument que la voix, parvenait à devenir musique.

Son ancêtre, le spoken word, comme son nom l'indique, donne principalement place aux mots. Sous une forme n'empruntant pas nécessairement à la poésie, ses adeptes déroulent le fil de la parole, ponctuée d'accélérations vocales et de mots syncopés, sur fond de musiques urbaines. Un genre peu pratiqué sous nos latitudes, dont les plus nobles représentants pourraient être les Brand Nubians ou Loïc Lantoine.

À  la préhistoire du genre : les poètes de la Beat Génération, par exemple Allen Ginsberg qui, sur fond de musiques bidouillées, incantait rythmiquement ses textes. Ou à la poésie sonore. Voire bien plus loin encore.

Entre les deux genres précités existent de nombreux points communs : l'importance donnée au texte, une distance prise par rapport au binôme "couplet/refrain", un affranchissement de la durée des chansons traditionnelles.

 

Fusionner les deux styles ? Audacieux et tentant. L'accommoder de ses propres épices, prendre quelque liberté avec les contraintes propres à chacun pour accoucher d'une nouvelle musique ? Complexe mais stimulant. De nouveaux groupes ont brillamment su relever le défi. Ils s'appellent Mots Paumés Trio, Neb & The Nems Band, Nada Roots, Nevchehirlian.

 

MOTS-PAUMES-1.jpg

 

Avec une dextérité vocale imparable, qui n'est pas sans évoquer les cadors de l'acappella dans le hip hop, Mots Paumés Trio jongle avec les sons, les rimes, les phrasés sans jamais perdre l'auditeur. Une élocution d'une clarté irréprochable sert d'écrin à des trouvailles textuelles souvent superbes. Ici, pas de jeux de mots au sens où aurait pu l'entendre un Bobby Lapointe, mais un permanent jeu avec les mots.

 

Mots Paumés Trio, c'est un spoken word dont on aurait considérablement accéléré

MOTS-PAUMES-3.jpg

le tempo. Un peu comme quand l'on passait un 33 tours en 45 tours, histoire de voir…

 

Mais la maîtrise du verbe et de la diction évite ici toute confusion. La variété des thèmes traités est un atout supplémentaire pour ce groupe grenoblois et consolide son identité musicale. De l'apnée, au propre comme au figuré, à Internet, en passant par le consumérisme…

 

 

 

 

neb-s-2.jpg

 

 

 

Neb & The Nems Band, quant à lui, semble privilégier l'aspect ludique. Sur fond de jazz et de funky, le combo parisien donne sa préférence à des thèmes légers, sans pour autant recourir à des paroles débilitantes. Il peut toutefois étonner quand il se penche sur des problèmes plus profonds, et s'en sort avec les honneurs.

 

 

neb-s-1.JPGMais l'intérêt majeur du groupe se situe à un autre niveau : à l'intérieur d'un même texte, Neb & The Nems peut passer du slam au rap, du rap au spoken word et du spoken word à la chanson française traditionnelle. Pas nécessairement dans cet ordre-là d'ailleurs. Un collage surréaliste qui ne devrait pas fonctionner et qui pourtant fonctionne.

 

De telles expérimentations étaient jusqu'alors en grande partie chasse gardée des jazzmen, des musiciens postmodernes et du rock dit progressif.

 

 

 

 

nadaroots-1.jpg

Doté d'une profonde et fascinante voix de basse, le chanteur de Nada Roots déclame, scande, incante avec une énergie sans faille. Comme Neb & The Nem Band, il ajoute aux ingrédients de base de ce nouveau genre musical, une touche spécifique. Ainsi n'hésite-t-il pas, parfois, à aventurer son puissant organe sur les terres du rap ou du reggae.

 

nadaroots-2.jpgSa matière textuelle possède également sa singularité : il est complexe d'en isoler un thème, tant il les entremêle avec maestria, sans jamais se départir d'une pointe d'ironie et de fatalisme tranquille. L'actualité la plus récente s'invite au cœur d'un sujet personnel, sans avoir l'air d'y toucher.

 

 

 

 

NEV1.jpg

Nevchehirlian : un nom que l'on éprouve quelque difficulté à prononcer la première fois, mais que l'on n'oublie pas après avoir assisté à l'un des spectacles de ce groupe. Tout en ayant la pudeur rare de ne jamais se targuer de poésie, pas même urbaine, Nevechehirlian parvient par moments à s'en approcher. D'une densité littéraire impressionnante, l'auteur-interprète nous entraîne dans un voyage surréaliste, vers un pays tissé d'émotions. NEV2.jpg

 

 

Explosant parfois les formats standard, partant d'événements de la vie quotidienne pour les transformer en épopées d'images, Nevchehirlian nous emporte dans son flux jubilatoire de paroles et de métaphores.

 

Surfant entre slam et spoken word et jouant la carte de musiques hypnotiques et répétitives, Nevchehirlian s'impose dès la première écoute comme un artiste d'importance.

 

 

 

Ce courant émergeant, qui voit sans cesse poindre de nouveaux artistes, n'a peut-être pas (pas encore ?) de nom, mais il possède déjà ses fers de lance.

 

Il augure à n'en pas douter d'un bel avenir devant lui.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Présents sur myspace :

www.myspace.com/lesmotspaumes

www.myspace.com/nemsband

www.myspace.com/nadarootsprod

www.myspace.com/nevchehirlian

 

Publié dans polyphonies

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• Saïd Dib, insolent et solaire

Publié le par brouillons-de-culture.fr

 

 

topor_1.jpgIl serait facile et tentant de réduire la poésie de Saïd Dib à quelques phrases-choc et provocations insolentes dont il ne se prive guère. À son homosexualité exhibée comme un trophée, au travers d'une sexualité décrite comme exubérante.

 

Ce serait être aveugle à la magie des mots, des métaphores flamboyantes et lyriques qui parcourent ses recueils. De l'extraordinaire puissance d'un style, dont la crudité jamais n'annule tout à fait l'élégance. L'ironie, la révolte, la violence, l'obscénité parfois même du propos n'ont rien de "trucs" destinés à séduire les médias.

 

On en ressent à chaque ligne la nécessité vitale, l'urgence et la cohérence. Parce qu'elles expriment un être entier, dont les mots ne peuvent pas transiger avec la décence. Parce qu'il est temps de dire, sans censure, en toute liberté. Mais dans l'exigence. Toujours indécent, dérangeant, peut-être… Comme les furent en leur temps les deux Jean, Sénac et Genet.

 

Son second recueil,"Tranquillement tranchant", s'il ose des vers tels :

 

tranquillement-tranchant.jpg 

Il suffit !

Livrons le jour aux griffes.

Décalottons le siècle.

Éjaculons sur nos grillages.

 

ou

 

Parallèle et puis pède,

je perdis cul en l'air,

l'axe de mes tangentes.

 

aptes à choquer les nouveaux puritains de ce XXème siècle, aborde les tourments de la conscience, la difficulté d'être, s'aventurant parfois jusqu'au métaphysique, avec une même sincérité.

 

Attendre la bataille

pour noter mes déserts.

Suffoquer d'avoir cru

qu'entre noirceur et nuit

la sente était solide.

  topor_2.jpg

ou encore :

 

La végétation seule

détient notre arrivée.

Pourriture, veux-tu inventorier

mes branches ?

 

Extrême et maîtrisé, tordant la langue pour en extraire une liqueur noire et savoureuse, Saïd Dib fut pour moi une révélation.

 

Je lus dans la foulée son précédent opus "La plèvre des jours". Dans ce premier recueil, déjà, la vigueur de sa plume s'affirmait renversante :

 

img374.jpg

 

Je suis le propriétaire

d'un châtiment qui m'encombre.

Je suis la bouche et l'ordinaire,

feuille sous la feuille,

âme sous l'écriture.

 

Nous assassinons l'horizon

avec nos compas, nos sextants.

Au fond, nous ébréchons nos rebellions

pour signifier l'apesanteur.

 

Premier ouvrage publié par les éditions La Dragonne, "La plèvre des jours" se vendit à plus de mille exemplaires.

 

Éducateur spécialisé de 41 ans, vivant dans les Vosges, Saïd Dib a aujourd'hui trois recueils à son actif. Trois livres qui déjà le placent parmi les très grands d'aujourd'hui.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Illustrations :  © Roland TOPOR

 


 

Publié dans peau&cie

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• La tempête : quand souffle l'esprit

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Somptueuse bacchanale de mots, de rires, d'images et d'émotions que celle à laquelle nous convie Georges Lavaudant. Vision d'un metteur en scène qui fait briller Shakespeare de tous ses feux. "La Tempête" et "Le songe d'une nuit d'été" occupent une place à part dans l'œuvre du dramaturge élisabéthain.

 


À mille lieues de ses grandes épopées historiques, ces deux pièces nous plongent dans un monde fantasmagorique, peuplé d'esprits, de fées, de lutins, de magiciens. Si dans Macbeth ou Hamlet, par exemple, les éléments fantastiques servent essentiellement de contrepoint à l'histoire, ils constituent  ici l'axe autour duquel s'articule le récit. La force dramatique de "La Tempête" et la drôlerie presque primesautière du "Le songe d'une nuit d'été" sont unis par le même nœud gordien de l'univers féerique. Les associer en un spectacle unique était tentant. Et pour le plus grand plaisir du spectateur, Lavaudant n'y résiste pas, secondé dans son entreprise par des comédiens d'exception.

 

tempete.jpgProspero, duc de Milan, est évincé du pouvoir par son frère. Avec sa fille en bas âge, il se réfugie sur une île dont les seuls habitants sont une infâme sorcière et Caliban, son monstrueux rejeton. Il occira la première et fera du second son esclave et souffre-douleur. S'emparant du "livre des ombres" de la magicienne, il acquiert la maîtrise du monde invisible, asservissant hommes et esprits.

 

Quinze ans ont passé. Un vaisseau approche des côtes. À son bord, le roi de Naples et sa cour, parmi laquelle le frère félon et ursurpateur. Ainsi que deux cotempete-image.jpgmédiens, Trinculo et Stéphano. Par l'intermédiaire d'Ariel, esprit de l'air qui le sert fidèlement, il va provoquer une tempête pour faire échouer le navire sur ses rivages.

Le fils du roi de Naples est bel homme et la fille de Prospero possède beaucoup de charme. Rien n'est plus facile à ce démiurge d'opérette que de provoquer une rencontre, qui suffira à ce que ces deux-là s'éprennent. Pour fêter leurs noces, le duc magicien leur offre un spectacle, un voyage dans le monde des esprits : "Le songe d'une nuit d'été".

 

tempete_03.jpgObéron, le roi des ombres, s'offusque qu'Hermia, fille d'Égée, refuse de lui céder un de ses pages. Dès lors, il entreprend de la ridiculiser, par l'intermédiaire de son âme damnée : le fidèle lutin Puck. Ce dernier endort Hermia en se servant d'une fleur magique. Elle aimera le premier être humain, plante, animal que croisera son regard à son réveil.

Une troupe de mauvais comédiens s'apprête à jouer une pièce exécrable dans le monde des esprits. Puck transformera l'un d'eux en âne, devant lequel Hermia tombe en adoration. Tout se compliquera pourtant quand le lutin, à la demande de son maître, tentera de mettre un peu d'ordre dans le cœur changeant des hommes. En se trompant de victime, il créera une belle zizanie.

 

tempete_loll-willems.jpgSans en dénaturer l'essence ("Le songe d'une nuit d'été" est conçu comme une farce), Georges Lavaudant donne aux œuvres shakespeariennes une nouvelle dimension. Celle d'une modernité bien comprise. Il use ainsi d'armes et de références qui renforcent notre empathie envers chacun des personnages.

 

Clins d'œil cinématographiques : si la cour du roi de Milan fait furieusement songer à Greenaway, le roi lui-même évoque celui du "Labyrinthe de Pan".

Emprunts au monde du cabaret avec certains numéros (chants et danses) réussis. D'autres moins, à mon sens.

 

Lavaudant ose parfois l'outrance, tirant certaines scènes vers le pur tempete_01.jpgcafé-théâtre. Un pari risqué mais payant, puisque pour quelques effets un peu gratuits ou parti-pris hasardeux (faire camper les fées par des drag-queens n'apporte à mes yeux pas grand chose), beaucoup se révèlent carrément hilarantes, ponctuées de trouvailles hardies et jouissives.

 

Si la distribution est à la hauteur de cette ambitieuse création, force m'est pourtant de souligner la prestation de deux monstres de théâtre. André Marçon tout d'abord, impérial en Prospero comme en Oberon. Une voix, une présence, un jeu qui offrent aux mots de Shakespeare un magnifique écrin.

 

tempete_04.jpg

Et le stupéfiant Manuel Le Lièvre. S'il nous enchante en lutin maladroit, il nous cloue au fauteuil en Caliban. Personnage de perdant-né, en rébellion permanente, ne pouvant vivre que sous tutelle et que chaque erreur crucifie davantage. Qui voit en Trinculo son nouveau dieu, avant que celui-ci n'abuse de son pouvoir. Soumis et révolté, esclave sans destin dont le malheur nous touche.

 

Pour porter un tel rôle, nous en faire éprouver tout à la fois le ridicule et le tragique, le dégoût et la compassion, la forte personnalité de Manuel Le Lièvre s'imposait. Un croisement improbable entre Denis Lavant et Dominique Pinon. Mais possédant une couleur qui lui est propre.

 

"La Tempête" ou deux heures vingt sans une once d'ennui, pendant lesquelles  le spectateur passe de l'émotion au fou-rire, ce n'est pas chose si courante au théâtre. Surtout quand il s'agit de pièces dites "classiques".

 

Merci donc du fond du cœur au MC93, mais également à Lavaudant et à sa formidable troupe de comédiens de nous offrir ce plaisir rare…

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia-Bejjani Perrot, graphisme

 

 

temp_00.jpg

D’après La Tempête
et Le Songe d’une nuit d’été
Texte William Shakespeare
Mise en scène :  Georges Lavaudant
Traduction, adaptation : Daniel Loayza

 

 Du 1er au 24 octobre 2010

 MC93 Bobigny
1 boulevard Lénine

93000 Bobigny
http://www.mc93.com/public/artistik/saison/01_temp/index.htm

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