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• La merditude des choses

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Van-Groeningen.JPGQuand on songe au cinéma belge, on pense essentiellement aux metteurs en scène wallons, autrement dit de langue française. Des réalisateurs de l'envergure de Jaco Van Dormael (Le huitième jour). De Martin Provost (Séraphine). De Benoît Mariage (Les convoyeurs attendent). De Bouli Lanners (Eldorado). Ou pour les plus aventureux de Jan Bucquoy (La vie sexuelle des Belges).

 

Surprise ! La dernière grosse claque en date qui nous vienne du plat pays est, pour une fois, flamande. Imaginez "La vie est un long fleuve tranquille" en moins manichéen. Ou "Affreux sales et méchants" en plus tendre. Et vous n'aurez encore qu'une vague idée de l'expérience unique que vous vous préparez à vivre.

 

L'anti-héros de "La merditude des choses" (MK2 vidéo) est écrivain. Il vit de petits boulots aux côtés de sa compagne. Quand celle-ci lui annonce sa grossesse, et son désir de garder le bébé, son rejet est radical. Ou elle avorte ou il la quitte. Car pour lui, hors de question d'être père. "Les deux femmes que je hais le plus au monde : celle qui m'a donné le jour, et celle qui s'apprête à mettre au monde mon enfant".

 

Mais très vite, en flash-back, surgit le contrepoint  : l'enfance de l'écrivain, mélange de noirceur et de chaleur humaine. De coutumes aberrantes et de solidarité dans l'épreuve. merditude 4

Sa mère, après le divorce, ne le regarde même pas quand elle le croise, englobant le père et l'enfant dans un même rejet. Un même mépris. Le paternel et ses frangins : tous sans emploi. Tous alcooliques. Tous réfugiés chez une grand-mère "au cœur plus grand que sa pension" et qui entretient ce beau monde. Épiques, épicuriens, débraillés, intenables, ces adultes bancaux et hippisants forment une famille unie. Et l'enfant les observe avec un mélange de fierté et de honte.

 

Sordides et pathétiques, capables d'instants sublimes, intolérables et magnifiques, aimants mais irresponsables. Félix Van Groeningen n'hésite pas à nous montrer ses personnages sous toutes leurs facettes. Y compris les moins reluisantes. Il n'y a pas de héros. Rien que des êtres humains fragiles. En même temps sensibles et odieux.

 

En cela, le cinéaste s'éloigne tout à la fois de la tendance d'un certain cinéma américain (en gros le Bon et le Méchant), mais aussi d'une tradition française de l'alcoolique bon enfant, joyeusement extravagant (voir "Un singe en hiver).

 

merditude--2-.jpegL'humour, à l'instar des émotions, couvre dans "La merditude des choses" un spectre extrêmement large. Du rire héneaurme, rabelaisien (la course de vélos nus, le concours du plus gros buveur) aux plus subtiles notations  sur la nature humaine (la scène formidable avec l'huissier). Et dans l'observation la plus fine comme dans la pantalonnade féroce, Félix Van Groeningen se donne pleinement, généreusement.

 

MERDITUDE-DES-CHOSES_1.JpegOui, il existe entre le père et son futur écrivain de fils un véritable lien d'amour filial. Cela n'empêchera pas le premier de rouer de coups le second un soir où il a trop bu.

Non, le lien fraternel, décliné en amitié virile, n'est pas un vain mot pour le clan. Mais lorsque, pour récupérer son fils, le père suit une cure de désintoxication, ses frères l'inciteront à replonger.

 

merditude3

 

Dans les années 70-80, les cinéastes italiens s'étaient faits une spécialité de l'humour féroce, passant en quelques secondes du rire à la tragédie. Et inversement. C'est désormais en Belgique que ça se passe. Ça va finir par se savoir chez les veaux !

la-merditude-des-choses_felix-van-groeningen.jpg

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans sur grand écran

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• du RAP intelligent et ludique : appelés à régner (2)

Publié le par brouillons-de-culture.fr

 

Monkey-BMonkey B. est un cas à part. Maîtrise parfaite de la langue, se risquant même parfois à des envolées lyriques, le groupe rennais se distingue par la diversité de ses thèmes, sa façon bien particulière de passer d'un sujet grave et profond à la légèreté la plus débridée. Le tout avec une élégance innée. N'hésitant pas à saluer les aînés (le début de "Super Véner" est une référence directe à "La fièvre" de NTM. Ou à adopter un flow à la Cypress Hill. Des bijoux comme 'Le fils d'Éole" ou  "Vulgaire", il y en a plein leur premier album, qui s'écoute d'un bout à l'autre avec un plaisir constant.

 

 

 

 

 

relic_-_loin_des_apparences.jpgRelic pratique tous les registres, et dans chacun d'entre eux excelle. Relève tous les défis. Et à chacun des territoires abordés, ajoute sa couleur spécifique. Poser sur de la musique arabe, du rock ou des sonorités plus urbaines. Adopter un débit ultra-rapide doublé d'une élocution claire ou opter pour des downs-tempos plus suaves. Faire un refrain sur une musique d'opérette. Avec eux, tout est possible et permis. Mais l'audace n'est pas exclusivement musicale. Elle est également présente sur le plan textuel. Savoureux exercice d'autodérision avec l'hilarant XXL. Approche frontale de l'actualité avec "Pourquoi lui et pas un autre ?" qui revient sur l'affaire Omar Raddad. Multiplication des angles d'approche avec "Loin des apparences", qui évite le chausse-trappe d'une dualité raciale, évoquant également les personnes en surpoids ou les handicapés. Le groupe n'hésite pas pour autant à livrer de temps à autre du rap bien véner au son patate comme "Légende urbaine" ou le grinçant "Le monde du rap", qui répond à leurs détracteurs.

 

 

 

 

 

La première fois que j'ai entendu MAP (initiales de Ministère des Affaires populaires), dans une anthologie de rap, je n'en croyais pas mes oreilles. C'était "Le lillo" et ça dénotait de tout ce que j'avais pu entendre. Ça commence par un air d'accordéon, façon ducasse du Nord … et l'on ne tarde pas à réaliser qu'en dépit des apparences, l'instrument colle parfaitement au flow des deux MC du groupe. Des instrus inattendues (on y croise une basse, une guitare, un violon), des propos souvent engagés mais (presque) toujours scandés avec humour : les fondamentaux du groupe sont présents dès leur premier album "Debout là d'dans".

Ministere-Affaires-Populaires.jpg

Ils les développeront dans le second "Les bronzés font du ch'ti".  Ajoutez à cela une grande diversité des sujets, toujours traités en profondeur et sous un angle original (du racisme à l'engagement, de la télé-réalité à l'intégrisme)  …Ces artistes lillois militants, très présents sur le terrain (notamment associatif) se sont payés le luxe d'envoyer paître Strauss-Kahn qui voulait récupérer "Debout là d'dans". C'est dire l'intégrité des bonshommes.

 

 

 

 

 

keny_arkana.jpgS'il ne devait cependant en rester qu'une auquel on puisse appliquer le terme "engagée", c'est bien la rappeuse marseillaise Kenny Arkana, Véritable passionaria de l'altermondialisation, la jeune femme, d'origine argentine, offre un discours intelligent et sensé, doublé d'une réflexion en profondeur. La rime incisive, taillée uppercut, le flow rageur et clair, elle s'attaque à des sujets peu fréquentés par le hip hop. Les ravages de la mondialisation, le formatage par l'éducation, les errances des médias … Ça cogne fort, dru, et ça vise juste … Le dernier opus en date de la belle : un street CD intitulé "Désobéissance".

 

Tout un programme …

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polyphonies

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• L'expo DÉ-CRI-ÉE qui fait MUNCH !

Publié le par brouillons-de-culture.fr

edvard-munch.gifSoyons honnête : comme beaucoup de mes contemporains hexagonaux, du peintre norvégien Munch, je ne connaissais essentiellement que "Le cri". Du moins le croyais-je jusqu'alors. En vérité, nombre d'œuvres m'étaient connues sans que j'eusse pu en nommer l'auteur.

 

Or, voici qu'avec un certain sens de la dérision, la Pinacothèque  intitule la première expo qui lui est consacrée en France : "Munch ou l'anti-cri". L'objet de ce titre : faire découvrir l'univers de l'artiste au delà de cette œuvre culte et emblématique. Laquelle ne participera pas, par conséquent, au programme des toiles exposées.

 

 

munch-l-anti-cri.jpg

Et la provocation fait mouche. Levée de boucliers, sur Internet entre autres. Si "Le cri" ne figure pas à la Pinacothèque, c'est parce que la Norvège refuse de le prêter, suite à de multiples tentatives de vol. L'expo serait surfaite et comprendrait principalement des gravures. Simple rumeur ou authentique état des lieux ?

 

J'avoue que c'est un peu à reculons que nous nous sommes rendus sur place. Pour très vite constater que nos peurs n'ont pas lieu d'être.

 

 

 

edvard-munch-04.jpgMunch est un peintre à la production pléthorique, véritable stakhanoviste du pinceau.

 

Il n'a de cesse de chercher, de tenter, d'innover. Impressionniste, expressionniste, fauve, pré-cubiste : il est tout cela à la fois, alternativement ou ensemble. Mais ne peut y être cantonné : du grattage de toiles aux distorsions de la lumière, de la multiplication des techniques aux gestes souvent précurseurs, il aura tout essayé. Et souvent beaucoup réussi.

 

Si dans l'ampleur de son appétit munch-enfant.jpgcréateur, tout n'est pas à retenir, les œuvres fortes sont légion. Elles jalonnent son parcours avec une belle constance.

 

Enfants au regard égaré, paysages aux limites de l'abstrait le plus somptueux, femmes énigmatiques …

 

La gravure ne prévaut pas sur les tableaux, mais occupe une place importante dans le monde de l'art munchien. Elle est en tant que telle amplement présente dans l'expo.

 

Le traitement de la gravure par Munch est unique. Peu sensible généralement à cette technique, j'ai ici été touché, bouleversé quelquefois.

 

edvard_munch_madone-3656b5.jpg

 

 

Sublimes noirs et blancs, perspectives tronquées et visages marquées. Des êtres jaillis de quel abîme semblent vous scruter jusqu'au fond du cœur. 

 

Munch n'hésite pas à ajouter une touche de couleur à ses gravures, voire les transformer en tableaux et les décliner dans différents tons. Telle cette sublime Madone ou ce couple face à la mer, dont chaque variation semble conter une histoire différente.

 

 

 

Alors n'en déplaise à ses détracteurs, force est de constater que l'expo remplit parfaitement son office : faire découvrir la somptueuse forêt que jusqu'alors nous cachait l'arbre…

 

munch-jealousy_litho_3.jpg

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Edvard Munch ou l'anti-Cri, Pinacothèque de Paris,

28 place de la Madeleine, 75008 Paris
tous les jours 10h30-18h (14h-18h le 14 juillet)
nocturne le mercredi jusqu'à 21h
19 février - 8 août 2010

Publié dans plein la vue

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• Michael Connely : humain, trop humain

Publié le par brouillons-de-culture.fr

michael-connelly.jpgL'éclectisme engendre parfois de lancinantes frustrations. Il est un domaine dans lequel mettre à jour ses lectures décourage le plus boulimique des lecteurs. Je veux parler du roman policier. Difficile, voire impossible d'explorer toutes les nouvelles plumes, quand on vous annonce un "auteur de la décennie" en moyenne tous les quinze jours. Si l'on s'évite ainsi la lecture fastidieuse de feux de paille parfaitement dispensables, on n'en prend pas moins le risque de passer à côté des Ellroy en gestation.

 

connelly.1177755801-copie-1.jpgIl y a des années que j'entends le nom de Michael Connely circuler sur les lèvres de personnes dont j'estime les goûts littéraires. Et un auteur qui rencontre le succès avec un livre intitulé "Le poète" ne peut que susciter en moi un à priori positif. Il était évident qu'un jour s'opérerait la rencontre. Et celle-ci est d'importance. Car oui, "La glace noire", c'est du grand et beau polar, de ceux dont l'intrigue vous tient en haleine et dont l'on sort essoré, bouleversé.

 

Un flic des stups probablement passé de l'autre côté de la barrière. Suicidé au fusil à pompe au fond d'un hôtel minable. Un mot d'adieu fort ambigu "j'ai découvert qui j'étais". Naturellement, la police n'a pas trop envie de creuser, ni de le crier sur les toits. Encore moins qu'un fouille-merde comme l'inspecteur Harry Bosch vienne fourrer son nez là dedans et prouve, avec l'appui d'une jeune légiste, que l'on est face à un assassinat …

 

Dès lors, ce flic solitaire, impulsif et écorché vif n'aura de cesse de découvrir la vérité, quitte à s'y brûler les ailes. Plus rien ne l'arrêtera : ni les règlements, ni les frontières (l'enquête l'amène en plein Mexique), ni les remontrances de ses supérieurs, ni les bâtons qu'on tente de lui mettre dans les roues.

 

Il a parfois croisé Cal Moore, avant son pseudo-suicide. Il savait qu'il enquêtait sur la Glace Noire, une nouvelle drogue qui Michael_connelly_2007.jpgpourrait ne pas tarder à faire des ravages aux États Unis. Et qui semble liée à une autre des affaires sur lesquelles il enquête. Il n'était pas suffisamment intime avec le sergent décédé pour que celui-ci laisse un mot et un dossier à son intention, dans sa voiture. Alors pourquoi ? La question est légitime. Mais les réponses quelquefois dangereuses.

 

Car par delà l'enquête policière, palpitante, s'ouvre pour le héros un autre type d'investigation. Comme si les péripéties n'étaient en réalité qu'un trompe-l'œil, palimpseste d'un autre récit, à l'intérieur de l'âme humaine. Ce suspense "spirituel" en filigrane ne nous empoigne pas moins.

 

Combien de fois un homme peut-il être brisé et recoller les morceaux de son être ? Deux amants blessés par la vie peuvent-ils vivre une vraie histoire d'amour ? Ou ne feront-ils jamais qu'entrecroiser brièvement leurs solitudes ? Cicatrise-t-on un jour d'une enfance humiliée ? Celle-ci détermine-t-elle nos actes et notre destinée future ? Ou notre inaptitude à transformer nos existences en destins ? Quels mystérieux processus nous amènent à basculer d'un côté à l'autre de nos frontières intérieures ? Bien et Mal sont-ils question d'éthique ou de morale?

09-Michael-Connelly.jpg

Harry Bosch est ambivalent, capable du pire et du meilleur. Manipulant ses rares amis et alliés pour parvenir à ses fins. N'hésitant pas à tabasser violemment dans un lieu public un indic pour en obtenir la vérité. Mais s'indignant des méthodes d'intimidation d'un mec des stups envers un jeune dealer SDF. Et donnant à ce dernier une petite chance de changer de voie. Accordant une confiance sans faille à celui dont chacun lui dit de se méfier. Un policier intègre coincé entre des supérieurs corrompis.

 

C'est parce qu'ils possèdent des failles, qu'ils ne sont pas taillés d'un bloc, que les personnages de Connely sont attachants. Et dans cet écheveau d'intrigues, c'est le facteur humain qui fait la différence. Elle est assurément de taille…

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polar pour l'art

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• du RAP intelligent et ludique (1) : hardcores et conscients

Publié le par brouillons-de-culture.fr

sinik_1.jpgIl est dans le monde du hip hop deux légendes urbaines qui ont la peau dure. Elles sont souvent, fort paradoxalement, véhiculées par ses acteurs mêmes.

 

La première est "le rap, c'était mieux avant !". 

La seconde consiste à affirmer, péremptoirement, que "le rap est mort !".

 

C'est particulièrement étrange de voir de jeunes ados éprouver la nostalgie d'une époque qu'ils n'ont pas connue, et qu'ils glorifient sous le nom d'âge d'or. Pour ceux qui, à l'instar de votre serviteur, ont vu émerger ce mouvement, la réalité est toute autre.

 

Car, par delà les groupes cultes Ntm, Iam, Assassin, Ministère Amer, Arsenik...Tandem-2.jpgou le méconnu 2 bal' 2 neg' pour ne citer qu'eux, les années 90 virent proliférer nombre de formations aux flows impeccables, d'une technicité soufflante, mais dont les textes étaient souvent d'une ahurissante niaiserie. Des noms ? En vrac Alliance Ethnick, Menelick, Mellowman… j'en passe et des plus croquignolesques.

 

Si comme l'affirment certains "Le rap est mort", force est de constaster que son cadavre PSY-4.jpegsemble d'un dynamisme à toute épreuve. Par delà les dérives et les répétitions, différentes mais somme toutes guère plus nombreuses que celles du tout venant top 50.

 

Nombre de talents émergent ou se confirment avec une vigueur peu commune et une intelligence rare. Tour d'horizon non exhaustif, en 2 volets, avec vidéos à l'appui.

 

Un street CD et un album ont suffi pour imposer durablement Tandem dans le paysage rapologique français. Nous sommes ici incontestablement dans le rap hardcore et revendicatif, celui qui fait fuir les ménagères de plus de cinquante ans. Mais de manière non moins indubitable, nous nous trouvons dans le haut du panier.

Oui les lyrics sont parfois crus. Mais les phrases et les flows percutent : "j'baiserai la France jusqu'à ce qu'elle m'aime" ou "explosif comme une grenade dans un jardin d'enfant". Et, sans jamais inciter à la violence -même si le groupe la constate avec un sens du raccourci frappant, Tandem ne se refuse rien. Ni l'introspection à travers le bluffant "Trop de cœur", ni les morceaux patate avec "Trop speed", l'un des seuls raps à égratigner le MEDEF. Ni de mener un concept sur trois titres successifs, qui trouve son point d'orgue avec "Le Jugement". L'idée : multiplier les points de vue, en racontant le procès d'une sale histoire de banlieue. Les témoins, juge, avocats sont les ténors du rap français. Un grand moment. Les CD solo des deux membres laissent à penser et espérer qu'il y en aura beaucoup d'autres.

 

 

 

Sinik pratique certes l'art de la punchline, cette petite phrase assassine qui renvoie dans les cordes ses adversaires, avec une dextérité ébouriffante. Mais il ne saurait se résumer à cela. Présent en featuring sur de nombreux "raps de rue", le rappeur étonne et détonne quand il évoque la dérive d'un homme alcoolique ou quand il parle de sa rencontre avec des enfants incurables dans la "cité des anges".

Au fil des albums se dessine la figure d'un chroniqueur sensible, même s'il ose mettre le doigt là où ça fait mal. Son phrasé rocailleux parvient à s'adapter à toutes sortes de rythmiques. Sinik décline la "loi de la rue" -dont certains commandements gagneraient à être appliqués par chacun de nous. Nous parle du 11 septembre en multipliant les angles de vue (l'étonnant "2 victimes un coupable"). S'imagine observant le monde post-mortem. Et partout pose sa marque, ce mélange inimitable de lucidité et d'impulsivité, de pertinence et d'impertinence qui fait toute son originalité.

 

 

Psy 4 de la Rime a connu, en quelques années à peine, une fulgurante évolution. À tel point que lorsqu'on écoute successivement "Bloc Party", leur premier album, et "Les cités d'or", leur dernier, on est tenté de penser qu'il s'agit de deux groupes différents. 

Le plus surprenant est que le public de "Bloc Party" ait suivi le combo dans son évolution. Car "Bloc Party" ressemble à nombre de CD de jeunes de banlieue. S'il s'en distingue, c'est par son énergie rageuse et son flow maîtrisé.

Avec "Enfants de la lune", un grand tournant s'opère. Le groupe s'attaque à des sujets plus matures, soigne davantage ses prods, affûte ses lyrics, et pose sur le monde un regard aiguisé. Une bifurcation majeure qui se confirmera avec "Les cités d'or", à l'abri des clichés et du manichéisme facile. Beau et lucide.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polyphonies

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