• Centres de... plaisir ?
Californie. Il y a plus de 15 ans.
L'amie qui me reçoit me propose au bout de quelques jours de séjour, d'aller dans un "mall". Un Mall ? C'est quoi ? A l'époque, je ne sais pas. Je pense à une déclinaison de Disneyland, comme le Seaworld de San Diego. Alors ce "Mallland" ou "Mallworld", quel type de parc d'attraction serait-ce ?
C'était il y a plus de 15 ans, sur un autre continent. Un "peuple" lointain dont on aime à se distinguer. Ah ces Américains ! Pourtant. Dans cette bonne vieille Europe, depuis quelques années, les centres commerciaux se revêtent de leurs plus beaux atours. Se travestissent : centres commerciaux ou centres de plaisir ? Parce que je le veux bien. Je. Tu. Il. Elle.
Qu'est-ce qui fait préférer à une expo, les enfilades de
magasins ? Il est vrai que là s'exposent des produits à portée de main, à portée de budget. Qu'un musée ou une lecture ne rajouteront pas de trophées à nos collections d'objets... leurs traces en
nous jouent d'un autre registre, tout en subtilité.
Je ne cherche pas à interroger l'espace de consommation que sont les centres commerciaux, mais leur fonction dérivée : lieux de loisirs, de plaisirs. Scruter ces angles qui leur permettent de se substituer aux lieux de culture, mine de rien. Glissements dangereux. Métamorphoses en profondeur que nous transmettons aux générations futures.
"Tu ne sais pas comment t'amuser ? Va faire un tour au centre commercial ! Tu n'as rien à acheter ? Et alors ! Juste pour voir !"
Bribes entendues :
- "Besoin de rien. Pour regarder. Et puis, ça me donne des idées."
Est-ce dans les devantures des vitrines que s'étalent dorénavant indolemment nos nouvelles sources d'idées ? Que nous puisons nos inspirations ?
- "Rien à acheter... pour simplement regarder."
Mais qu'y a-t-il donc à regarder dans un centre commercial qu'on n'aurait pas déjà vu ?
Architectures élaborées, comme de modernes monuments d'antan. Verdure,
arbres géants. Couleurs et matières nouvelles. Raffinement extrême pour certains : les endroits "select".
Marketing étudié, sites dédiés où l'on suit l'évolution des constructions comme s'il s'agissait d'une grossesse. L'avant, le pendant, l'après. Espace, lumière, transparence... Attention, on ne peut pas les comparer à ces simples lieux commerciaux qui s'affichaient comme tels, avant l'explosion de ces nouveaux géants ! Malgré la permanence de l'offre proposée, en définitive.
Fête des sens : voir, toucher la marchandise. Se laisser envahir par des odeurs qui empoignent l'appétit à toutes heures. Autour d'enseignes sans surprise, resto, cinéma... saupoudrent le lieu de pincées de rêves. Air confiné, reconstitué. Saturé de musiques, d'annonces de haut parleur où des voix nous accompagnent dans notre visite. Et gratuitement ! Pas comme les audio-guides des expositions !
Tout est là pour provoquer le désir, mais quel désir ? Pour répondre
à l'attente, mais quelle attente ? Pour combler un vide, mais le remplir de quoi ?
Tout est là pour nous distraire. Pour nous aider à tuer le temps. Mais pourquoi cette haine contre le temps ? Quand nous nous plaignons de toujours manquer de temps.
Je ne me situe pas à l'extérieur de ce format de vie. Je ne parle pas d'une quelconque place qui m'épargnerait son joug. Il m'arrive de m'y perdre. Mauvaise errance qui me coupe de toute intériorité, à l'opposé de ces promenades qui souvent ouvrent le dialogue en moi, déploient mots et pensées.
Ici, la déambulation tourne vite en hypnose. Je hante ces lieux, sans connections intérieures. Et d'en ressortir vidée. Sans aucune idée de ce qui m'aurait été dérobé dans ces instants de plongeons. Je n'aime pas l'idée de ce vol aveugle : si au moins je savais ce que j'y perds... à part mon temps.
Me vient une idée en écrivant ce billet : si notre addiction à ces lieux continue, "nos fabricants de concepts" pourraient rendre les entrées aux centres commerciaux payantes ! Voila une piste à explorer ! Pour de nouvelles formes de culture, autour du vide et du trop plein de rien.
Gracia Bejjani-Perrot
is que Lolita aime.
Erkki-Sven Tüür a, quant à lui, déjà connu les honneurs de CD
intégralement consacrés à ses œuvres. Pourtant, paradoxalement, le meilleur de son œuvre se trouve, à mon sens, dispersé dans les "best off" de musiques d'aujourd'hui. Comme le faramineux
"Lighthouse", par exemple. Si l'écoute s'en avère éminemment stimulante, on ne saurait en tous cas la qualifier d'apaisante. Ici, le contemporain radical croise le fer avec la musique classique,
dans un duel de haut niveau. Dissonances étudiées et grandes envolées, s'alternant, se percutant forment un ensemble qui vous laisse essoré et k.o, mais qui dans le même temps grandit l'âme.
s pourtant scotchants font figure de simples mises en
bouche en regard de ses plus récentes créations. Un Stabat Mater de toute splendeur, un concerto pour percussions d'une virtuosité imparable, et tant et tant d'autres merveilles, que l'on peut
se procurer auprès du compositeur, réunies dans le coffret "Le jardin des délices".
Sur scène, Akram Khan alterne ses prises, calligraphies de l'espace.
Saccadées, arrondies, volubiles... Accélérations suivies d'arrêts brusques. Taversées de plateau. Suspension de mouvements. Vitesse, ralentissement. Une chorégraphie de ruptures, de contrastes.
Où l'harmonie s'attise de ces oppositions.
oubliés (en tous cas inconnus de moi). Ainsi Van Ruisdael, dont les mers sombres contiennent un nombre de déclinaisons du noir à faire pâlir un Soulages. Ou Sir David Wilkie, peintre
écossais dont les personnages possèdent une force d'expression peu commune. Ou Téniers, dont une toile m'a littéralement happé au détour d'une allée. Ou encore Lautherbourg, grand peintre des
naufrages ; dans ses toiles on sent souffler le vent âpre, entend la mer en furie.



