• Musiciens post-modernes : les méconnus et la relève

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Si les piliers de la musique post-moderne, bien que solidement ancrés dans le présent, ne sauraient être taxés de "jeunes premiers", dieu merci la relève existe. Multiforme et chamarrée, mais portant haut les couleurs d'une musique d'aujourd'hui, ancrée dans son glorieux passé. Tout en se projetant dans l'avenir, en osant parfois des métissages inédits.

 

Dans le grand vivier de ces classiques hardcore (nous ne sommes pas chez Walt Disney ni Claydermann, cette musique charrie des émotions fortes et parfois déstabilisantes), j'aimerais tout d'abord me pencher sur quelques fleurons méconnus. De ceux qu'il est bon d'inviter au gré d'une anthologie, leur contribution imprimant toujours à l'ensemble une identité forte. Ils n'offrent ainsi au regard qu'une discographie fragmentée.

 

 

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Peteris Vasks, enthousiasmant sexagénaire qui ne recule devant rien pour que la magie s'installe. Ni à recourir au plus pur classicisme, pour, en dépit des contraintes que celui-ci exige, accoucher d'œuvres nouvelles et fortes. Ni à frayer avec le jazz ou les musiques orientales pour les intégrer à son univers. Ni à intégrer l'apport des plus radicaux des contemporains en petites touches impressionnistes, de la plus judicieuse manière. Ni à retrouver les voies, peu empruntées de nos jours, du plus époustouflant lyrisme comme dans le somptueux "Musica Adventus". Au terme de telles explorations, le miracle toujours est au rendez-vous, beau à vous en tirer des larmes.

 

 

 

Tuur.jpgErkki-Sven Tüür a, quant à lui, déjà connu les honneurs de CD intégralement consacrés à ses œuvres. Pourtant, paradoxalement, le meilleur de son œuvre se trouve, à mon sens, dispersé dans les "best off" de musiques d'aujourd'hui. Comme le faramineux "Lighthouse", par exemple. Si l'écoute s'en avère éminemment stimulante, on ne saurait en tous cas la qualifier d'apaisante. Ici, le contemporain radical croise le fer avec la musique classique, dans un duel de haut niveau. Dissonances étudiées et grandes envolées, s'alternant, se percutant forment un ensemble qui vous laisse essoré et k.o, mais qui dans le même temps grandit l'âme.

 

 

 

 

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Toute autre est la musique du finlandais Veljo Tormis. Sa matière sonore favorite : la voix humaine, qu'il modèle à l'envi en éblouissantes sculptures chorales. Et l'on assiste émerveillé à l'impossible fusion entre le Carl Orff des Carmina Burana, les lieds de Sibelius et le Fauré du Requiem. Une musique chatoyante, colorée, marquée par son appartenance nordique mais fortement enracinée dans le monde.

 

 

 

 

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Omar Yagoubi est un cas. Star au Japon, connu dans de nombreux pays, ses œuvres sont jouées un peu partout. Pourtant, en France, où il demeure, la renommée de ce compositeur de grande envergure n'est pas à la hauteur de son talent. Il y a vingt ans, il offrait des œuvres pour piano stupéfiantes, entre Scriabine et Poulhenc, marquées de manière sous-jacente par une forte influence lisztienne. Or, malgré des sources d'inspiration écrasantes, l'homme arrivait à imposer un monde qui lui était propre, notamment au travers de l'utilisation bien comprise de la musique orientale.

 

 

Ces opuDoigts-d-Omar.jpgs pourtant scotchants font figure de simples mises en bouche en regard de ses plus récentes créations. Un Stabat Mater de toute splendeur, un concerto pour percussions d'une virtuosité imparable, et tant et tant d'autres merveilles, que l'on peut se procurer auprès du compositeur, réunies dans le coffret "Le jardin des délices".

 

 

 

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Bruno Letort, génial caméléon, sait ajouter sa propre couleur à celles de la palette dont il use.  Côté pile, on prend de plein fouet  la modernité la plus radicale. Étrange territoire, où même mon oreille -couvrant pourtant un large spectre musical- peut s'avérer déconcertée. Côté face, un post-classicisme habité. Mêlant quelquefois les deux en superbes bouquets sonores. S'offrant des escapades en terres électroniques. Ce compositeur demeure une sorte d'inclassable ludion, surfant au gré de ses envies dans les mondes qui s'offrent à lui. Sa discographie comprend déjà de nombreux CD, auxquels il faut ajouter les disques en téléchargement. Et comporte multiples œuvres d'ores et déjà incontournables.

 

 

 

Artaud-basse.JPGQue dire dès lors de Vincent Artaud ? Et comment définir sa musique mutante, impeccable fusion entre jazz, électronique, musiques de l'est, word music et post-modernes ? Chacune de ses compositions soulève en moi enthousiasme et jubilation. L'impression rare de pénétrer sur des terres jamais défrichées et de s'y sentir bien. Porté par un souffle venu d'ailleurs sur une route ponctuée de surprises. Deux CD à son actif, qui alignent les perles musicales avec une constance remarquable, ce jeune musicien n'a pas fini de faire parler de lui.

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Ce panorama ne saurait, bien entendu, être exhaustif. J'espère cependant qu'il vous aura donné l'envie de fouiner, de fouiller, pour aller plus loin. Et entendre le cœur battant de la musique d'aujourd'hui.

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

Publié dans polyphonies

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