• Musiciens post-modernes : les figures essentielles

Publié le par brouillons-de-culture.fr

Tout comme le terme "impressionnistes", celui de "post-modernes" fut créé de toutes pièces par la presse, regroupant artificiellement des musiciens qui ne se reconnaissaient absolument pas dans ce terme.

 

Cependant, à l'inverse des peintres du "Salon des Refusés" qui surent se réapproprier le mot pour en faire une identité, les compositeurs "post-modernes" refusent obstinément une telle étiquette et pour la plupart ne se connaissent pas. Dans cette famille désunie, on peut néanmoins isoler quelques grandes caractéristiques : en premier lieu, un retour à la tonalité ; en second un retour à l'émotion, résolument taboue pour les séides de l'IRCAM.

 

On pourrait affirmer, sans crainte de commettre de contresens, qu'il s'agit d'une musique classique d'aujourd'hui, n'ayant pu être composée qu'à notre époque ; de la même manière que les partitions d'un Prokofiev n'auraient pu être écrites au temps de Mozart.

 

Écouter les musiciens post-modernes, c'est savoir oser l'inconnu de la rencontre et de la découverte. Ces compositeurs de génie, métissant parfois les langages et les styles, ne sont en aucun cas matraqués sur les ondes. Et pourtant, lorsque la Grande Halle de la Villette offre une carte blanche à Arvö Pärt ou à John Adams, la salle affiche complet.

 

 

 

La première fois que j'entendis parler de ce courant musical remonte à quelques vingt années. C'était un concert d'Arvö Pärt au Théatre de la Ville. Un choc. De ceux qui vous marquent à jamais. Je ne savais rien de cet homme, sinon qu'il était lituanien et que ses œuvres étaient jouées par d'immenses pointures du violon et du violoncelle. Et j'éprouvais une sorte de curiosité instinctive. Beaucoup ce soir là étaient dans mon cas. Intrigués, mais pas nécessairement gagnés d'avance.

 

À la sortie, ce fut la ruée sur les stands qui proposaient ses CD.  Le souffle, la présence du destin, l'incantation presque lyrique des instruments. En un mot comme en cent, la grâce. Porté par un langage résolument moderne, mais ancré dans la tradition. La plupart des œuvres d'Arvö Pärt ayant connu les honneurs du disque sont ses opus religieux, un peu austères, souvent inspirés de la polyphonie du Moyen Age. Ce ne sont pas mes préférées. Ses œuvres symphoniques me parlent davantage. Avec ces deux joyaux souvent réédités "Tabula Rasa" et "La Symphonie n°3", qui vous empoignent sans merci pour ne plus vous lâcher.

 

L'oreille en éveil, je fus désormais à l'affût de ces compositeurs qui m'étaient devenus précieux. Issu du minimalisme américain, Phil Glass fut longtemps connu pour ses musiques répétitives (mais ô combien fascinantes) popularisées au travers de nombreux films dont il écrivit la B.O. Mais un tournant radical s'opère au travers de ses musiques symphoniques, qui réalisent l'impossible fusion entre une modernité bien comprise, un minimalisme exigeant et de grandes envolées mahleriennes. Il suffit d'écouter sa symphonie "Heroes", éclatante de couleurs, ou son "concerto pour violon" qui vous met K.O. debout pour s'en convaincre.

 

 

John Adams, lui, est également issu du minimalisme, mais côté anglais. Dans ses œuvres symphoniques, pourtant, tout comme chez Phil Glass, ce dernier ne constitue qu'une des couleurs de sa riche palette. Son "Grandpianola Music" constitue pour moi une des œuvres les plus fortes d'aujourd'hui.

 

 

 

D'une tonalité sombre mais éminemment prenante la "symphonie n°3" de Gorecki connut un succès public étonnant (mais mérité) pour une œuvre d'une telle envergure et d'une telle exigence. Force m'est cependant de dire que ses autres œuvres, pour passionnantes qu'elles fussent, peuvent décourager l'oreille non aguerrie. Violentes, obscures mais poignantes, à l'image de "Quasi una fantasia".

 

 

 

Une tendance que partage souvent Michael Nyman, compositeur attitré de Peter Greenaway. Si ses "quatuors" sont d'une lumineuse évidence, ses œuvres pour piano demeurent d'une approche plus périlleuse, et pourront déconcerter l'auditeur distrait. On y trouve cependant des perles incontournables, même si l'on est plus proche ici d'un Messiaen ou d'un Dutilleux que d'un Sibellius ou d'un Rachmaninov.

 

 

 

 

Pascal Perrot, texte

Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Publié dans polyphonies

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