• Révisionnismes
Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais il souffle en ce moment, dans le cinéma français, un curieux vent de révisionnisme.
Il y a quelques semaines, "L'autre Dumas", dont le sujet -les rapports tumultueux entre Dumas et son "nègre" attitré- avait le mérite de l'originalité, voyait l'auteur des "Trois Mousquetaires" incarné par notre Depardieu national.
Indépendamment du talent de l'acteur, un semblable choix de casting surprend. Le grand Alexandre naquit de l'union légitime d'un général de l'armée napoléonienne et d'une esclave créole affranchie. Un tel mariage était rarissime à l'époque et le père du romancier était fier de son épouse, qu'il emmenait dans tous les salons parisiens.
Et oui ! Alexandre Dumas était un mulâtre de la plus belle eau ; ce dont les photos témoignent. Le métissage, sujet cher à ses yeux, est au centre du "Comte de Monte Cristo", puisque son héros, Edmond Dantès finit par épouser Hayde, esclave affranchie comme la mère de l'auteur. Hayde se trouve d'ailleurs réduite à une simple vignette dans la version télé adaptée de ce roman, où joue déjà un certain Gérard Depardieu... une beurette en prime time, ça ne semble pas passer.
De telles entorses à la véracité littéraire ou historique ne revêtiraient certes qu'une importance mineure si les acteurs issus des "minorités visibles" interprétaient des rôles destinés au départ à des acteurs "blancs de blancs". Mais en l'état actuel des choses, elles me semblent choquantes. Le système ne fonctionne que dans un sens.
Autre incongruité : le "Bathory" de l'excellente Julie Delpy. Faire de la "comtesse rouge" une figure du féminisme, et montrer à travers elle qu'il était, au XVIème siècle, difficile d'exister en tant que femme quand on était intelligente et cultivée, relève à mon sens du foutage de gueule.
Pourquoi en ce cas ne pas faire un biopoc d'Adolphe Hitler pour montrer à quel point il peut être ardu de s'imposer quand on est peintre raté, petit et moche ?
On parle quand même d'Erzsebeth Bathory ! D'un personnage réél qui a assassiné plus de 600 jeunes femmes. De quelq'un qui a créé "la vierge de fer". Cet instrument de supplice a été exposé jusque dans les années quarante au musée de Nuremberg, on en possède des photos. Il s'agit d'un coffre représentant une femme. Si l'arrière est creux, le devant est recouvert à l'intérieur de points acérées. La "comtesse rouge" et ses deux complices y installaient de jeunes demoiselles préalablement droguées. Puis en refermeraient le couvercle.
Faire de cette charmante femme une héroïne féministe est non seulement inepte, mais dangereux.
Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme