• Avatar, un autre cinéma
Je n'aurais jamais imaginé inaugurer le blog avec un film comme Avatar. Mais s'agira-t-il d'Avatar ? Pourquoi rajouter de la parole à tous ces commentaires et critiques qui ont déferlé depuis sa sortie ? Au film, je privilégierai l'ambiance, cet "autour" qui, à mon sens, fait partie du film. Le recréé, par le vécu à chaque fois singulier.
J'ai vu Avatar à sa sortie. Au Liban.
Qui n'a jamais été au cinéma au Liban, pourrait penser que je force le trait. Le tableau ? En voici quelque esquisse :
- Pop corn (en France aussi me diriez-vous, mais avec plus de retenue).
- Appel de l'allée vers la salle : "Layla, Layla : tu es où ?" Et Layla de se lever au milieu d'une rangée et de répondre à pleine voix : "Là ! Là ! Tu me vois ?" Assez haut pour que son ami puisse la rejoindre, non sans écraser les pieds des autres spectateurs, pour qui la chose semble des plus naturelles.
- Commentaires à voix haute tout le long du film.
- Rires. Interpellations. Huées...
Non, ce n'est pas une caricature, parole de Libanaise ! Faut voir : comme pour un film, ça ne se raconte pas !
Plus jeune, ce climat ne me gênait pas, je n'avais pas d'autre expérience d'une salle de cinéma. Pour moi, au cinéma, comme dans la rue : la même animation, la même véhémence. Ce n'est qu'après mon installation en France que je me suis mise à regarder les films autrement. Dans un silence d'église. Chut !! Respect !!!
Depuis, je peine à regarder une toile au Liban. Depuis, je panique à l'idée d'accompagner des Libanais au cinéma à Paris. Comment leur imposer les codes d'ici ? Comment réagir aux réactions des autres spectateurs ? Coincée entre deux styles.
Avatar au Liban, un choix parfait ! Avec mes frères et leurs épouses. Qui le revoyaient une 2° fois pour nous le faire découvrir. La joie de mes frères, leurs sollicitations pendant le film... J'ai vite été prise par la jubilation propre à la spontanéité quasi naïve, au lâcher prise. Un arrière-goût d'enfance sans jugement. On reconnaît volontiers l'influence de l'humeur du moment sur notre impression, mais la compagnie ? le contexte ? Partie prenante également de cette lecture subjective.
Avatar au Liban... et au cours du film, enfin le baiser ! Salve d'applaudissements de la salle ! Congratulations des personnages par des spectateurs en liesse ! Oui, j'en ai eu les larmes aux yeux. Grand moment d'émotion. Le clou de la soirée. Comme si les acteurs étaient avec nous dans la salle. Au Liban. Soutenus par notre enthousiasme. Une joie collective que je n'avais pas connue depuis longtemps.
Avatar au Liban. J'étais tout ouverture, sans défense. Sans les crocs de l'intelligence. Et j'ai marché. Très vite, je me suis déconnectée du réel, de mes références... pour être empoignée par un autre univers. Me laisser déplacer. Ailleurs.
Je n'ai pas vu les 3 heures passer, je n'ai pas senti l'inconfort des lunettes 3D, je n'ai pas eu de regard critique sur le scénario simplet, je n'ai pas été gênée par la morale manichéenne...
Je n'en garde que l'enchantement de ce moment unique où l'émotion suppléé à tout. Un film dans le film. Du spectacle vivant comme le cinéma en offre rarement.
Gracia Bejjani-Perrot