• L'expo DÉ-CRI-ÉE qui fait MUNCH !
Soyons honnête : comme beaucoup de mes contemporains hexagonaux, du peintre norvégien Munch, je ne connaissais essentiellement que "Le cri". Du moins le croyais-je jusqu'alors. En vérité, nombre d'œuvres m'étaient connues sans que j'eusse pu en nommer l'auteur.
Or, voici qu'avec un certain sens de la dérision, la Pinacothèque intitule la première expo qui lui est consacrée en France : "Munch ou l'anti-cri". L'objet de ce titre : faire découvrir l'univers de l'artiste au delà de cette œuvre culte et emblématique. Laquelle ne participera pas, par conséquent, au programme des toiles exposées.
Et la provocation fait mouche. Levée de boucliers, sur Internet entre autres. Si "Le cri" ne figure pas à la Pinacothèque, c'est parce que la Norvège refuse de le prêter, suite à de multiples tentatives de vol. L'expo serait surfaite et comprendrait principalement des gravures. Simple rumeur ou authentique état des lieux ?
J'avoue que c'est un peu à reculons que nous nous sommes rendus sur place. Pour très vite constater que nos peurs n'ont pas lieu d'être.
Munch est un peintre à la production pléthorique, véritable stakhanoviste du pinceau.
Il n'a de cesse de chercher, de tenter, d'innover. Impressionniste, expressionniste, fauve, pré-cubiste : il est tout cela à la fois, alternativement ou ensemble. Mais ne peut y être cantonné : du grattage de toiles aux distorsions de la lumière, de la multiplication des techniques aux gestes souvent précurseurs, il aura tout essayé. Et souvent beaucoup réussi.
Si dans l'ampleur de son appétit créateur, tout n'est pas à retenir, les œuvres fortes sont légion. Elles jalonnent son parcours avec une belle constance.
Enfants au regard égaré, paysages aux limites de l'abstrait le plus somptueux, femmes énigmatiques …
La gravure ne prévaut pas sur les tableaux, mais occupe une place importante dans le monde de l'art munchien. Elle est en tant que telle amplement présente dans l'expo.
Le traitement de la gravure par Munch est unique. Peu sensible généralement à cette technique, j'ai ici été touché, bouleversé quelquefois.
Sublimes noirs et blancs, perspectives tronquées et visages marquées. Des êtres jaillis de quel abîme semblent vous scruter jusqu'au fond du cœur.
Munch n'hésite pas à ajouter une touche de couleur à ses gravures, voire les transformer en tableaux et les décliner dans différents tons. Telle cette sublime Madone ou ce couple face à la mer, dont chaque variation semble conter une histoire différente.
Alors n'en déplaise à ses détracteurs, force est de constater que l'expo remplit parfaitement son office : faire découvrir la somptueuse forêt que jusqu'alors nous cachait l'arbre…
Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme
Edvard Munch ou l'anti-Cri, Pinacothèque de Paris,
28 place de la Madeleine, 75008 Paris
tous les jours 10h30-18h (14h-18h le 14 juillet)
nocturne le mercredi jusqu'à 21h
19 février - 8 août 2010