• du RAP intelligent et ludique : appelés à régner (2)
Monkey B. est un cas à part. Maîtrise parfaite de la langue, se risquant même parfois à des envolées lyriques, le groupe rennais se distingue par la diversité de ses thèmes, sa façon bien particulière de passer d'un sujet grave et profond à la légèreté la plus débridée. Le tout avec une élégance innée. N'hésitant pas à saluer les aînés (le début de "Super Véner" est une référence directe à "La fièvre" de NTM. Ou à adopter un flow à la Cypress Hill. Des bijoux comme 'Le fils d'Éole" ou "Vulgaire", il y en a plein leur premier album, qui s'écoute d'un bout à l'autre avec un plaisir constant.
Relic pratique tous les registres, et dans chacun d'entre eux excelle. Relève tous les défis. Et à chacun des territoires abordés, ajoute sa couleur spécifique. Poser sur de la musique arabe, du rock ou des sonorités plus urbaines. Adopter un débit ultra-rapide doublé d'une élocution claire ou opter pour des downs-tempos plus suaves. Faire un refrain sur une musique d'opérette. Avec eux, tout est possible et permis. Mais l'audace n'est pas exclusivement musicale. Elle est également présente sur le plan textuel. Savoureux exercice d'autodérision avec l'hilarant XXL. Approche frontale de l'actualité avec "Pourquoi lui et pas un autre ?" qui revient sur l'affaire Omar Raddad. Multiplication des angles d'approche avec "Loin des apparences", qui évite le chausse-trappe d'une dualité raciale, évoquant également les personnes en surpoids ou les handicapés. Le groupe n'hésite pas pour autant à livrer de temps à autre du rap bien véner au son patate comme "Légende urbaine" ou le grinçant "Le monde du rap", qui répond à leurs détracteurs.
La première fois que j'ai entendu MAP (initiales de Ministère des Affaires populaires), dans une anthologie de rap, je n'en croyais pas mes oreilles. C'était "Le lillo" et ça dénotait de tout ce que j'avais pu entendre. Ça commence par un air d'accordéon, façon ducasse du Nord … et l'on ne tarde pas à réaliser qu'en dépit des apparences, l'instrument colle parfaitement au flow des deux MC du groupe. Des instrus inattendues (on y croise une basse, une guitare, un violon), des propos souvent engagés mais (presque) toujours scandés avec humour : les fondamentaux du groupe sont présents dès leur premier album "Debout là d'dans".
Ils les développeront dans le second "Les bronzés font du ch'ti". Ajoutez à cela une grande diversité des sujets, toujours traités en profondeur et sous un angle original (du racisme à l'engagement, de la télé-réalité à l'intégrisme) …Ces artistes lillois militants, très présents sur le terrain (notamment associatif) se sont payés le luxe d'envoyer paître Strauss-Kahn qui voulait récupérer "Debout là d'dans". C'est dire l'intégrité des bonshommes.
S'il ne devait cependant en rester qu'une auquel on puisse appliquer le terme "engagée", c'est bien la rappeuse marseillaise Kenny Arkana, Véritable passionaria de l'altermondialisation, la jeune femme, d'origine argentine, offre un discours intelligent et sensé, doublé d'une réflexion en profondeur. La rime incisive, taillée uppercut, le flow rageur et clair, elle s'attaque à des sujets peu fréquentés par le hip hop. Les ravages de la mondialisation, le formatage par l'éducation, les errances des médias … Ça cogne fort, dru, et ça vise juste … Le dernier opus en date de la belle : un street CD intitulé "Désobéissance".
Tout un programme …
Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme