• Van Dongen... fauve, anarchiste et mondain
La peinture est un terrain idéal pour les associations d'idées. Dites Magritte ou Man Ray, "surréalisme" vous vient aussitôt à l'esprit. Monet, Renoir, Cézanne ? Impressionnisme of course. Otto Dix, Klimt ? Expressionnisme. Mais à ce jeu, certains noms ont l'art de vous déconcerter.
Ainsi, lancez le nom de Van Dongen au hasard d'une conversation. Un grand assurément. Mais à quel courant le relier ? Quel est le tableau le plus représentatif de son art ? On cherche des faux fuyants, on parle d'autre chose. On répond tout à trac, confondant le plus souvent avec un autre peintre.
Mon ignorance réelle n'était pas moindre, mais une part de responsabilité en incombe à ce diable d'homme lui même. Qui semblerait toute sa vie s'être acharné à brouiller les pistes, s'amusant à demeurer perpétuellement insituable.
L'exposition "Van Dongen, fauve, anarchiste et mondain" possède, pour une fois, un titre on ne peut plus approprié. Qui paraît représenter et la peinture et l'homme. Qui était tout cela à
la fois -et bien d'autres choses encore- sans jamais trancher en faveur de l'une ou l'autre tendance. Impeccable dandy au bras de son épouse dans les réceptions cotées et dans le même temps illustrant les brûlots anarchistes les plus révolutionnaires.
N'appartenant à aucun courant, parce qu'il les brasse tous, empruntant, d'un tableau à l'autre, à tel ou tel style ce qui le séduit le plus pour en livrer la quintessence. Car Van Dongen a du panache et le génie des métamorphoses.
Fauve, quand il laisse exploser les couleurs dans ces merveilles absolues que sont "Le doigt sur la joue" ou "Jack Johnson". Impressionniste dans les "Marchandes d'herbes et d'amour" ou dans "L'autoportrait en Neptune". Expressionniste dans "L'enjôleuse" "Le vieux clown", qui, en s'affranchissant de Grosz et d'Otto Dix, anticipe déjà Buffet. Voire Lucien Freud. Proche de Kisling quand il peint Anna de Noailles. Surréaliste dans "Le Tango de l'Archange" ou dans "La nuit".
Cette dernière œuvre m'a mis à genoux. Les larmes aux yeux, je suis resté longtemps à la contempler. Tant de simplicité dans autant de beauté.
Van Dongen aurait pu n'être qu'un pasticheur de génie. Or, c'est un explorateur. Loin de copier, il anticipe. Il peint comme un Cézanne, un Klim ou un Magritte peindraient trente ou quarante ans plus tard. Il peint surtout comme Van Dongen, avec un sens exceptionnel des formes, des lumières et des mises en espace, jouant avec les perspectives, drainant nos regards
vers un point focal qu'il a décidé par avance.
Il ne s'approprie aucune technique, aucun courant par hasard ; ils deviennent vite, sous ses doigts, la matière même de ses rêves. Alchimiste du regard, il transforme l'or en nature luxuriante de son paysage intérieur.
Qu'il opte pour tel ou tel style, il est toujours Van Dongen. Ne se cantonnant à aucune école, pour mieux donner son art à tous.
Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme
Van Dongen Fauve, anarchiste et mondain
25 mars - 17 juillet 2011
Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
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