• Les dragées au poivre de Sushi Typhoon - Chapitre 2 : l'apothéose
2010 voit la naissance officielle du label Sushi Typhoon. Comme une guerre à la bienséance et au politiquement correct. En deux ans, les films les plus insensés s'enchaineront à un rythme d'autant plus frénétique, que la plupart seront réalisés deux cinéastes seulement : Noboru Iguchi et Yoshihiro Nishimura.
Un sens aigu du rythme et de l'ellipse, une direction photo souvent irréprochable, une direction d'acteurs qui renforce la crédibilité d'histoires souvent insensées, les œuvres qui portent la marque du label ressemblent davantage à des excroissances trash et dégénérées de "Helzappoppin" ou des films de Terry Gilliam que du brouillon hâtif façon Ed Wood.
Il est étrange de constater les directions parallèles suivies par les trajectoires de Yoshiro Nishimura et de Noboru Iguchi, les deux principaux piliers de Sushi Typhoon. Si le premier persiste résolument dans la veine du "gros rouge qui tâche", de son film pré-Sushi "Vampire Girl vs Frankeinstein Girl" au film qui signe la naissance du label, le souvent éblouissant "Helldriver", le second, sans jamais renier son réjouissant jusqu'au-boutisme, délaissera rapidement la voie de l'hémoglobine, adoptant un mode de subversion plus perverse et plus sournoise. Nishimura rate toujours de très peu le chef d'œuvre imparable, pour cause de fin bâclée, quand Niguchi atteint à plusieurs reprises les plus hautes marches du trône. Dérangeants, malsains, inconfortables : ses films méritent sans nul doute ces étiquettes. Ainsi furent en leur temps jugées les œuvres de Bunuel, de Lynch, de Friedkin ou de Cronenberg.
Sur un terrain aussi balisé et prévisible que le film de zombies, Yoshihiro Nishimura innove, surprend à chaque image. C'est drôle, effrayant, rejoignant par des voies rocambolesques l'univers des cartoons. Qui n'a jamais vu une voiture dont le corps et les roues sont formées par des zombies enchevêtrés ne peut pas comprendre.
De multiples péripéties guettent l'héroïne avant sa grande rencontre avec la reine des zombies, au look quasi inégalé.
On trouve dans ce film les qualités et défauts inhérents à Nishimura : une générosité visuelle de chaque instant, jusqu'à l'excès le plus total un humour très décalé, mais également des lacunes scénaristiques importantes dans la toute dernière partie.
Responsable des effets spéciaux sur tous les films Sushi Typhoon, Nishimura ne saurait manifester de génie partout, même si en tant que cinéaste, il fait montre d'un talent certain.
Tout autre est Noboru Iguchi, non seulement moins brouillon mais également attaché à se déjouer des étiquettes, y compris celles qu'il a lui même créées. Ainsi avec le sublimement kitsch Karaté-Robo Zaborgar, hommage aux super-héros de son enfance, notamment à la série homonyme. Teinté d'émotions douces amères, mais aussi de méchants ricanants, d'union robot-humain, et de transformations toutes plus délirantes que les autres, l'œuvre est totalement inclassable. Drôle, inventive, mais avec ce je-ne-sais-quoi qui vous prend parfois à la gorge.
Iguchi enchainera deux films la même année, tout aussi imprévisibles. En premier lieu, il s'attaque à la franchise des "Tomie". Laquelle comprend déjà huit volets. La série s'articule autour d'une thématique commune ; toutefois aucune œuvre n'est directement la suite de la précédente.
Le personnage homonyme : une créature perverse et manipulatrice, qui rend fou de désir les hommes au point de les pousser à s'entretuer. Ce qui finit souvent par se retourner contre elle. Mais sa mort n'est jamais une fin, puisqu'elle peut créer une autre Tomie à partir d'une seule partie de son corps.
Si, en ses prémices, "Tomie Unlimited" semble épouser une forme classique, le film ne tarde pas à dériver vers les territoires de la subversion et de l'image surréalisante. Flirtant avec le tabou de l'inceste et faisant exploser la cellule familiale, multipliant les transformations les plus exubérantes et les plus insensées (dont une magnifique "araignée humaine") "Tomie unlimited" repousse toujours plus loin les limites, tant du point de vue moral que visuel.
Ceux qui croient avoir tout vu ne s'attendent certes pas au choc frontal de "Zombie Ass" ni au non-sensique et cartoonesque "Dead Sushi", deux chef d'œuvres du cinéma "autre".