• Les dragées au poivre de Sushi Typhoon - Chapitre 1 : la genèse

Publié le par brouillons-de-culture.fr

L'image que nous possédons, entre tradition et modernité, de l'Empire du Soleil Levant, et principalement de sa culture, peut agacer ou séduire.

Il en est de même pour son autre face, qui flirte volontiers avec l'outrance, sait jouer avec les extrêmes comme avec le mauvais goût, où l'humour trash et le comique troupier se déclinent avec la même intransigeance, sur le même plan, sans système de valeurs.

Tel est le Japon de Sushi Typhoon, dont un coffret nous restitue les fulgurantes pépites. Ce cinéma-là décourage nos plus savantes étiquettes. Sommes-nous en présence d'un chef-d'œuvre bunuélo-lyncho-cronenbergien ou d'une bisserie assumée ? Dans bien des cas, il est impossible de trancher. Probablement un peu des deux.

L'aventure de la création du label commence par un film matriciel, "Machine Girl" (2008), présent dans ce coffret. Aux commandes, un cinéaste qui deviendra les piliers de Sushi Typhoon : l'indispensable Noboru Iguchi. Indispensable parce qu'impensable, osant tout, sans restrictions d'aucune sorte, et surtout pas celles de la bienséance. Sur le fond "Machine Girl" s'articule autour d'une classique histoire de vengeance. Mais sa forme le classe définitivement parmi les objets filmiques non identifiés.

L'héroïne, amputée d'un bras, s'y fera greffer une mitrailleuse à cinq canons. Fusion de la chair et du métal. Jambes tronçonneuses, soutien-gorge d'aciers qui recèlent des surprises, un délire créatif qui semble sans fin. Chaque combat, sublimement chorégraphié, s'achève dans des geysers de sang, parfois filmés au ralenti. Voire l'héroïne, au look de lycéenne affronter à elle seule des armées de yakusas, de ninjas, de femmes guerrières, possède quelque chose de profondément réjouissant. S'il ne fait pas d'emblée un carton au box-office, "Machine Girl" traumatise chacun des festivals dans lequel il est programmé et devient rapidement un film culte. Un nouveau film, tout aussi frappadingue, voit le jour "Tokyo Gore Police". Signé Yoshiro Nishimura, précédemment responsable des effets spéciaux de "Machine Girl".

S'il est un cran au-dessus de ce dernier en terme d'inventions délirantes, il pèche en revanche par son scénario, lequel s'essouffle aux deux tiers, débouchant sur une fin quasi-incompréhensible. Mais entretemps, l'amateur en aura pris plein les mirettes. Aussi gore que l'indique son titre, "Tokyo Gore Police" ne vaut pourtant pas que par ses excès graphiques.  L'histoire met en scène la lutte contre des mutants capables de transformer chaque partie de leur corps en arme, ce qui nous vaut un festival d'hallucinantes mutations, toutes plus inventives les unes que les autres.

Le succès immédiat de cette œuvre mauvais genre signera l'acte de naissance du label Sushi Typhoon. Label qui vient à point nommé pour jouer les trouble-fêtes. En ces temps-là, le cinéma bis japonais s'est refait une virginité pour le public occidental. La tendance est au fantastique soft, et si le talent est au rendez-vous, l'irrévérence n'y est guère de mise. Les œuvres d'Hideo Nakata (Ring, Dark Water) et de Takashi Shimizu (The Grudge) font un carton sous nos contrées. Sushi Typhoon sonne le retour des sales gosses. C'est un pied de nez, un bras d'honneur majeur à une bienséance obligée.

Un septième art de l'excès, énergique et décalé. Le cahier des charges est simple : de très petits budgets, en compensation desquels les cinéastes ont totalement les mains libres, sans censure et sans limite. Les deux piliers majeurs du label seront Noburoi Iguchi et Yoshihiro Nishimura. À eux seuls ils réaliseront deux tiers des films estampillés Sushi Typhoon. Dont quelques œuvres majeures, même si infréquentables par l'intelligentsia.

Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

 

Publié dans sur grand écran

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