• The Assassin : beau et vain à la fois

Publié le par brouillons-de-culture.fr

• The Assassin : beau et vain à la fois

Confier à Hou Hsiao Hsien les commandes d'un film de sabre (wu xia pian en vo, chambara pour les Japonais) c'est un peu comme si Jean-Luc Godard était seul maître à bord d'un James Bond. Intrigant à priori, voire excitant pour les plus téméraires, mais pas nécessairement probant quant au résultat final.

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Car ne nous y trompons pas : si quelques cinéastes ont su lui donner des lettres de noblesse, le wu xia pian, à la base, à l'instar de son homologue le chambara, est un "mauvais genre", issu de la série B. Les faiblesses du budget, de la direction d'acteurs, du scénario y sont souvent compensées par une folle énergie et une inventivité visuelle et chorégraphique dignes d'éloges.

Semer dans une œuvre de distraction un soupçon de cérébralité n'est pas en soi une mauvaise idée. Tant en littérature qu'au cinéma, ce métissage a créé des chef-d'œuvres. Encore faut-il savoir faire preuve d'un sens viscéral du récit pour prendre l'action à bras le corps lorsque le moment est venu.

Hou Hsia Hsien s'est imposé dans la catégorie films plombants encensés par Télérama (entre autres "Millenium Mambo"). Cela suffit-il à en faire un digne héritier de Chang Cheh et de King Hu ? Visiblement, loin s'en faut.

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Des cinéastes relativement introspectifs comme Ang Lee (avec "Tigre et Dragon") ou Zhang Yimou ("Le secret des poignards volants" "Hero") avaient su conjuguer humilité (en respectant leur cahier des charges) et ambition (en ne reniant guère ce qui faisait la force de leurs œuvres précédentes). Hou Hsia Hsien réalise une sorte de film intello, dans lequel le wu xia pian n'est qu'un vague bruit de fond. De telle manière que ni les amateurs de l'un comme de l'autre n'y trouvent au final leur compte.

Une photo parfois sublime, avec une ouverture en noir et blanc éblouissante, une actrice charismatique (l'étonnante Shu Qi ) ne suffisent pas à sauver "The Assassin" du naufrage.

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Ça cause à n'en plus finir, comme dans le pire des films français, pour nous expliquer des enjeux que nous peinons pourtant bien souvent à comprendre. Cette logorrhée indigeste, que n'habillent même pas de brillantes répliques, et qui n'est interrompue que par de longs silences contemplatifs, pourrait être à la limite supportable si elle était agrémentée de scènes d'action virevoltante. Las ! Les scènes d'action, totalement elliptiques, sont brusquement interrompues pour des raisons énigmatiques.

Comme si l'auteur éprouvait quelque honte à condescendre à une chose aussi triviale : satisfaire l'amateur de wu xia pian.

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Les combats sont d'une telle brièveté que c'en serait presque comique, si le spectateur à ce stade n'était déjà plombé par un pesant ennui. Il y a dans "The Assassin" un côté hors-sujet qui, bien exploité, pourrait nous le rendre sympathique mais qui, en l’occurrence, s'apparente presque ici à de la malhonnêteté intellectuelle.

Pascal Perrot, texte
Gracia Bejjani-Perrot, graphisme

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P
Il ne s'agirait donc, apparemment, que d'un malentendu … Pour le reste, di gustibus et coloribus non disputant … Je ne pense pas que vous fussiez une trublionne ignare, loin s'en faut ! La preuve, vous lisez "Brouillons de Culture" et y trouvez plaisir. Je serais curieux de connaître votre avis à la sortie de la projection.
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F
Voilà une critique qui paradoxalement me donne envie d'aller voir ce film ! Je me fiche totalement que Hou Hsia Hsien maltraite le genre dont j'ignore tout mais la beauté, le silence et la lenteur me semblent des raisons suffisantes pour aller le voir. Oh, la trublionne ignare ! J'ai un petit faible pour HHH qui avait réalisé pour Air France un petit film publicitaire qui sortait des sentiers battus, je me souviens d'une libellule rouge qui est paraît-il un porte-bonheur pour les asiatiques.<br /> Fallait pas l'illustrer de si belles images !
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F
Pascal, la "trublionne ignare" c'est moi !!! Je ne me serais pas permis de te traiter ainsi, encore moins au féminin !<br /> Allez, sans rancune, tes critiques continuent de me passionner et les illustrations de Gracia les complètent superbement.<br /> Hasta luego !<br /> Joëlle
B
Que ma critique vous ait donné envie de voir le film, pourquoi pas ? Mais l'avez-vous bien lue ? Pas un seul instant, la lenteur n'est remise en cause. Il y en a beaucoup dans "Hero" et "Le secret des poignards volants", ces deux chef-d'œuvres. De silence aussi. Mais entre le beau silence habité de certains films et "de longs silences contemplatifs" précédés d'"interminables logorrhées", il y a un gouffre. Traiter l'autre d'ignare quand on avoue tout ignorer du genre dont il est question est pour le moins paradoxal. Être un semeur de trouble, pourquoi pas, même si ce mot à l'origine désigne une catégorie d'individus dans lesquels je ne me reconnais pas (les anti-dreyfusards royalistes et nationalistes) ? Mais pourquoi le mettre au féminin, alors que c'est un homme qui a écrit l'article ? Vous avez néanmoins le mot de la fin, car c'est effectivement cela que je reprocherais le plus à Hsou Hsiao Hsien ;: avoir, avec "The Assassin" réalisé un interminable clip publicitaire, des images très belles mais vides de contenu et d'enjeu. Pascal